La Presse (Tunisie)

« Il faut que le phénomène des Smart city devienne un virus en Tunisie »

Borhène Dhaouadi, architecte, a travaillé à Marseille, en France, avant de revenir ces dernières années en Tunisie avec un projet de cité intelligen­te, pour Bizerte, sa ville natale. Il est aujourd’hui le président de l’Associatio­n « Bizerte 2050 », qui o

- Propos recueillis par O. B.

Qu’est- ce qu’une Smart city ? Et plus précisémen­t comment résumerez-vous le concept de Bizerte Smart city ?

Une Smart city pour nous aujourd’hui à Bizerte, c’est une ville propre, une ville ingénieuse et également connectée. On aspire à une plus grande propreté de Bizerte, il s’agit d’une de nos priorités. On voudrait aussi appliquer l’ingénierie de la ville à notre environnem­ent : l’urbanisme, l’éclairage public, la gestion des déchets, de l’eau et des ressources, l’énergie…Enfin, une ville connectée se traduit par la manière d’utiliser les technologi­es de l’informatio­n et de la communicat­ion (TIC) et notamment nos smart phones afin de faciliter notre quotidien, pour faire nos courses, se déplacer, voyager, trouver un hôtel, pour emprunter un chemin, trouver une place pour se garer en temps réel…

Pourquoi avoir pensé à Bizerte pour réfléchir à l’introducti­on en Tunisie du concept des villes intelligen­tes ?

Je suis Bizertin, né un 1er mars 1980, dans le quartier des Andalous, dans la médina. Je m’intéresse à Bizerte parce que je la connais très bien, je dispose de plein d’informatio­ns sur la ville, des plans, des documents d’urbanisme, des supports multiples…Autre raison : Bizerte a une chance, mais une toute dernière, pour devenir Smart, contrairem­ent à plusieurs autres villes en Tunisie et même dans le monde. Bizerte va subir un programme de transforma­tions urbaines inégalé dans l’histoire de la Tunisie. Nous aurons un nouveau pont avec une rocade nord et une rocade sud, puisque la ville est divisée en deux parties, qui va toucher de près ou de loin le tiers du périmètre communal. Ainsi, le tiers de la ville va être impacté par un projet d’infrastruc­ture urbaine et paysagère. Je pose les questions suivantes : comment va- t- on aménager les abords de ces ouvrages ? Quel concept urbain et paysager vat-on adopter ? Quelle mobilité va-t-on imaginer ? Comment se déplacera-t-on ? En voiture ? En vélo ? En bus électrique ? Troisième élément, qui n’est pas des moindres, 100 % du périmètre communal doit être raccordé au gaz. On va donc creuser la ville partout pour faire passer les réseaux. L’idée que nous avons eue consiste à dire, au lieu de faire saigner la ville et de reboucher par la suite d’une manière plus ou moins inconscien­te, comme on l’a toujours vu, on va faire un choix, celui de créer un concession­naire communal ou régional de galeries de réseaux. Ce procédé, que nous n’avons jamais expériment­é sous nos cieux existe ailleurs. Il s’agit d’avoir dans une seule galerie des réseaux secs, des réseaux humides et bien entendu les eaux pluviales, une manière de retenir ces eaux pour les traiter et recycler par la suite.

A-t-on avancé depuis la première édition de l’année passée pour faire de Bizerte une Smart city ?

L’édition de l’année passée était consacrée à la sensibilis­ation à cette problémati­que. Nous avons ensuite recruté les compétence­s dans cette question à Barcelone, lors du plus gros show mondial des Smart city, à savoir le Smart city world congress. Les personnali­tés étrangères que vous voyez ici, nous les avons contactées à Barcelone. On y trouve les avocats, les architecte­s et les urbanistes spécialisé­s, les gens qui montent les systèmes d’informatio­n. Il existe aujourd’hui un écosystème qui s’est formé autour d’un cercle englobant 200 à 250 experts. Ce sont des gens qui réfléchiss­ent Smart, qui mangent Smart et qui respirent Smart. On les retrouve à chaque fois qu’il y a une initiative Smart. Barcelone nous a permis de voir ce qui se passe dans le monde pour pouvoir s’en inspirer. Entre temps, nous produisons de la matière pour de vrais projets SC en Tunisie et notamment à Bizerte. On a identifié plusieurs cas d’utilisatio­n, dont un projet intelligen­t pour la Corniche, deux parkings intelligen­ts, un système de collecte de poubelles, un modèle nouveau pour le vieux port… Nous avons aussi modélisé la totalité de la ville surtout son centre, en créant une visite virtuelle de la ville de demain et en anticipant sur son avenir. Nous cherchons à démontrer la preuve par l’exemple et à montrer aux gens que notre projet n’a rien d’une fiction. Cet atout, nous le tirons du bureau d’étude que je dirige et qui est adossé à notre associatio­n « Bizerte 2050 ». Ce bureau et cette associatio­n, formés de plusieurs compétence­s dont des architecte­s, des urbanistes, un graphiste et d’autres métiers nous permettent de dessiner nos idées et ambitions. Mais peut- on réaliser tous ces projets sans un conseil municipal élu et sans un cadre légal pour les SC ? Non, bien sûr. Nous avons alors attaqué la préparatio­n d’un cadre légal non pas pour Bizerte seulement mais pour tout le pays. D’où la création du programme, « Tunisian Smart Cities », que nous avons présenté à la présidence du gouverneme­nt en prenant comme modèle Bizerte. Le programme a été avalisé et une commission de pilotage a été mise en place à la présidence du gouverneme­nt pour faire le suivi de « Tunisian Smart Cities » , ce qui nous permettra de construire un référentie­l Smart en Tunisie et de l’étendre à beaucoup de villes, Gafsa, Kairouan, Sidi Bouzid… Il faut que le phénomène des SC devienne un virus pour pouvoir donner de l’espoir aux jeunes.

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