L’autre leçon à réviser
BIEN que la liberté d’expression, de manifestation et de revendication soit garantie par la Constitution de 2014 et que les Tunisiens l’exercent à volonté quasi-quotidiennement, il est des crises d’ordre social qui, à force d’entêtement et de durcissement, des deux côtés, finissent par perdre de leur caractère spontané, légitime et purement militant pour susciter des soupçons d’ingérence politique ou de lobbying. Autrement dit, les véritables calculs et enjeux seraient autres que ceux affichés.
Le bras de fer opposant actuellement la Fédération de l’enseignement secondaire au ministère de l’Education rappelle, à juste titre, par son côté intransigeant, verbalement violent et par ses dangereuses surenchères, d’autres précédentes crises greffées sur des revendications sociales, mais qui, au terme d’un long bras de fer entre les contestataires et l’Etat, ont dérapé et ont fini par aggraver la situation difficile du pays. Parce qu’à un moment de l’escalade, la voix de la sagesse devient inaudible et les tentatives d’apaisement butent contre un mur infranchissable de lamentations et d’accusations faisant craindre le pire.
Le risque est là cette fois encore. Parce que rien ne justifie que des revendications syndicales légitimes en arrivent à diviser les Tunisiens. Le malaise est aujourd’hui général et le processus démocratique en a pris aussi un coup. Aujourd’hui encore, certains croient qu’au nom de la liberté d’expression, leur parole doit faire taire toutes les autres, ils ne comprennent pas que leurs propos puissent ne pas plaire, ne pas convenir et être par conséquent critiqués. Ils sont incapables de composer avec une norme basique de la démocratie, celle qui veut que la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres. D’où la difficulté de la mission des médias et des journalistes en particulier. Tout en se refusant d’être les porte-voix de quelque partie que ce soit, les journalistes informent l’opinion et commentent l’information si nécessaire. Le commentaire traduit forcément une position; le journaliste est libre d’en avoir une, comme tout autre citoyen vivant dans un contexte démocratique, même inachevé. C’est pourquoi le syndicat national des journalistes tunisiens a revendiqué, hier, dans un communiqué rendu public, des excuses publiques du secrétaire général de la Fédération de l’enseignement secondaire. De syndicat à syndicat : on n’insulte pas un corps professionnel qui fait son travail et dans le cas d’espèce : véhiculer la parole libre, de quelque provenance que ce soit, qu’elle fasse plaisir ou qu’elle froisse.
Dans nos murs, la leçon de démocratie n’est pas encore terminée et elle ne sera pas apprise et assimilée par tous au même moment et avec la même facilité. Si bien qu’il serait judicieux et surtout plus prudent que tout un chacun révise bien sa leçon avant les prochaines crises.
rien ne justifie que des revendications syndicales légitimes en arrivent à diviser les Tunisiens. Le malaise est aujourd’hui général et le processus démocratique en a pris aussi un coup. Aujourd’hui encore, certains croient qu’au nom de la liberté d’expression, leur parole doit faire taire toutes les autres