Les opportunités du marché africain
La Tunisie peut bien se positionner sur le marché africain qui offre plusieurs opportunités commerciales et économiques. Cependant, un système de veille est nécessaire pour connaître le mouvement du marché, la situation géopolitique et agir en conséquence
La Tunisie peut bien se positionner sur le marché africain qui offre plusieurs opportunités commerciales et économiques. Cependant, un système de veille est nécessaire pour connaître le mouvement du marché, la situation géopolitique et agir en conséquence. Il s’agit d’anticiper les mesures à prendre pour éviter les mauvaises surprises de dernière heure.
Se positionner sur le marché africain n’est pas une mince affaire. Les chefs d’entreprise qui veulent investir ce marché sont tenus de bien préparer leur dossier et d’étudier, d’une façon minutieuse, chaque pays ciblé. C’est que ces pays se distinguent par leur différence culturelle, civilisationnelle et historique. Il faut également bien lire l’évolution géopolitique de ces pays, dont plusieurs ont réalisé une croissance à deux chiffres. L’intelligence économique peut jouer, dans ce cadre, un rôle important pour aider le chef d’entreprise à prendre la décision pertinente en temps opportun. Il n’est pas question de laisser passer des opportunités juteuses, faute d’une bonne préparation ou d’une défaillance au niveau des études. Des expertises tunisiennes sont, d’ailleurs, disponibles pour les hommes d’affaires qui veulent se positionner en Afrique subsaharienne. Une multitude d’informations économiques sont disponibles et peuvent être mises à la disposition des intéressés afin qu’ils augmentent leurs exportations vers l’Afrique et participent aux appels d’offres proposés dans divers domaines. La Tunisie a toujours eu comme premier partenaire l’Union européenne sans se tourner vraiment vers les pays africains pour améliorer ses exportations et investir. L’occasion se présente, aujourd’hui, pour changer de cap tout en préservant nos privilèges européens. C’est une opportunité inouïe qui se présente aux chefs d’entreprise soucieux d’améliorer leur chiffre d’affaires. L’intelligence économique est là pour leur donner un coup de pouce.
Des objectifs ambitieux
L’intelligence économique est devenue un nouveau concept utilisé par les pays avancés et certaines économies émergentes pour gagner des parts de marché dans tous les domaines, comme le tourisme, les exportations, voire la production. Il s’agit, tout simplement d’avoir un bon système de veille pour collecter les informations pertinentes et d’anticiper par la prise de mesures intelligentes. Plusieurs pays avancés, comme la France, l’Allemagne et l’Espagne, ont donné à l’intelligence économique la place qu’elle mérite en mobilisant des ressources humaines et financières colossales afin d’atteindre des objectifs ambitieux pour contribuer à la croissance économique. Bonne initiative que celle prise par l’Association tunisienne de veille et d’intelligence compétitive en organisant, récemment, à Tunis, une conférence sur «la veille stratégique et l’intelligence économique : vecteurs de compétitivité et de développement économique». Selon M. Tarak Chérif, président de la Conect, «le problème de la Tunisie a trait à la croissance. Le souci des pouvoirs publics est également de réduire le taux de pauvreté». D’où la nécessité de lutter efficacement contre la corruption et surtout assainir les procédures des appels d’offres afin que les deniers publics ne vont pas dans les poches des corrompus.
Exporter au maximum
L’orateur a mis en exergue l’importance de l’exportation dans la croissance et a recommandé d’exporter au maximum et de favoriser le partenariat public-privé, dont on a beaucoup parlé, mais concrètement, rien ou presque n’a été fait. «C’est que certaines parties ne veulent pas de ce partenariat public-privé, qui contribue, lui aussi à la croissance», constate-t-il. C’est une occasion pour créer de la valeur avec des investissements en devises ou en dinars tunisiens. L’Etat devrait donc accélérer les projets public-privés en allouant les fonds à trois secteurs phares, à savoir ceux de l’éducation, de la santé et du transport. M. Chérif a cité comme exemple réussi l’aéroport international de Médine (Arabie Saoudite) qui a été construit grâce au partenariat public-privé. L’Etat a fourni le terrain alors que deux entreprises privées se sont chargées de l’édification. Il n’est pas normal, par conséquent, de considérer le partenariat publicprivé comme une ligne rouge à ne pas franchir. Ce choix relève de l’intelligence économique. Le Maroc investit également beaucoup dans ce modèle de développement, alors que la Tunisie demeure encore à la traîne. Pour le président de la Conect : «Il faut sortir des raisonnements dogmatiques et aller vers le concret et le pragmatique pour gagner le défi économique». Cependant, les hommes d’affaires ont besoin de financement pour pouvoir participer à la réalisation des projets. L’orateur a suggéré la fusion des banques pour qu’elles unissent leurs efforts et leurs ressources destinées au financement de l’économie et des entreprises. «Nous avons besoin d’une dizaine de banques», souligne M. Chérif.
Veille économique
Le représentant du Centre de promotion des exportations (Cepex) estime que la question de la veille économique a été abordée depuis 2003. En 2006, il a été possible de trouver un financement avec la participation du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). L’objectif était de mettre en place un système de veille pour servir les exportations tunisiennes. Malheureusement, la nouvelle équipe du Cepex n’a pas poursuivi la réalisation de ce projet. Une formation a même été prévue avec un partenaire français pour former des cadres dans les secteurs de l’agroalimentaire et du textile. L’orateur a regretté que le Maroc ait pris des dispositions à l’encontre des professionnels tunisiens produisant le cahier pour lutter contre «le dumping». Cette mesure a mis dans l’embarras ces professionnels qui risquent un manque à gagner important. L’absence de l’anticipation peut conduire à des résultats désastreux. La Tunisie doit disposer de leaderships capables d’anticiper pour prendre les décisions pertinentes à temps, en lisant d’une façon intelligente les informations économiques et prévoir les scénarios qui peuvent se produire. L’essentiel est que l’entreprise ne soit pas surprise et prise de court par des événements qui auraient pourtant pu être prévus. L’intelligence économique concerne aussi le secteur du tourisme. Le représentant du ministère du Tourisme estime qu’un système de veille est disponible pour le ministère et l’Office national du tourisme tunisien. Le but est d’avoir une idée large et complète sur le mouvement des différents marchés. Un travail est effectué actuellement pour toucher les touristes indiens qui ont leurs spécificités et leurs besoins. Les touristes chinois sont également ciblés et ils commencent à affluer vers notre pays.
Saisir les opportunités qui se présentent
M. Alain Juillet, expert en intelligence économique, souligne, de son côté, qu’il est toujours difficile d’introduire un nouveau concept. La décision doit être imposée par le sommet de la hiérarchie. Le Maroc et la Grèce ont bien exploité les événements de la révolution tunisienne — qui a eu pour effet un manque de sécurité et un départ des touristes — pour attirer les visiteurs européens de la Tunisie vers leurs destinations respectives. Cela s’appelle aussi de l’intelligence économique qui s’explique par une anticipation et l’exploitation à bon escient des opportunités qui se présentent dans le monde. En France, l’intelligence écono- mique a été inaugurée depuis 2002 à la faveur d’une diplomatie économique. « Il faut continuer à assurer la veille économique sans s’arrêter, estime l’orateur, même en cas de problème. Le résultats peuvent être obtenus par la durabilité ». Un travail de sensibilisation est, toutefois, nécessaire pour mieux vulgariser l’intelligence économique qui commence par une simple idée. On doit fixer, d’abord, des objectifs et essayer de les atteindre comme, par exemple, le fait de vouloir tripler le nombre des touristes ou encore renforcer les relations techniques avec tel ou tel pays africain. L’expert précise, par ailleurs, que le bon stratège doit tenir compte des évolutions géopolitiques dans le monde ainsi que le mouvement de la société et les tendances, qui ont des impacts sur l’économie. La Chine, à titre d’exemple, travaille sur le long terme et attend les résultats de son travail de veille sur 3 ou 5 ans. En effet, l’intelligence économique ne donne pas ses résultats immédiatement, il faut savoir patienter. Pour s’introduire dans le marché africain, il est nécessaire de bien l’étudier pour savoir que veulent exactement les consommateurs compte, tenu de leur culture, de leurs habitudes. Il n’est pas évident que le produit vendu en Tunisie soit automatiquement demandé dans les pays de l’Afrique subsaharienne. Le Maroc, qui a développé un réseau de banques (Attijari Bank) sur plusieurs pays africains, facilite la tâche aux hommes d’affaires marocains de s’installer dans ces contrées en ayant la possibilité d’accéder au financement. La Tunisie peut également bien se positionner dans ce continent à fortes potentialités moyennant la mise en place d’un système d’intelligence économique, géré par des compétences tunisiennes.