La Presse (Tunisie)

Infantilis­ation du citoyen en temps de détresse

Nombre de candidats au scrutin du mois prochain ignorent ou presque les lois régissant l’exercice municipal et la gouvernanc­e locale. Il est clair que l’on est face à des amateurs en panne de technicité et des compétence­s requises pour gérer les affaires

- Mohamed ABDELLAOUI

• Nombre de candidats au scrutin du mois prochain ignorent ou presque les lois régissant l’exercice municipal et la gouvernanc­e locale. Il est clair que l’on est face à des amateurs en panne de technicité et des compétence­s requises pour gérer les affaires locales des régions

• Un aéroport dans une commune du Kef (Nord-ouest), la Sebkha de Sidi Hassine Sijoumi (Tunis-ouest) parfaiteme­nt aménagée pour concurrenc­er le Lac de la banlieues nord de la capitale, une nouvelle planificat­ion urbaine «capable de rivaliser avec les grands centres urbains du monde», aménagemen­t de grandes zones industriel­les, création de milliers de postes d’emploi pour les jeunes, proposent nombre de candidats aux municipale­s du 6 mai prochain.

Un aéroport dans une commune du Kef (Nord-ouest), la Sebkha de Sidi Hassine Sijoumi (Tunisouest) parfaiteme­nt aménagée pour concurrenc­er le Lac de la banlieues nord de la capitale, une nouvelle planificat­ion urbaine «capable de rivaliser avec les grands centres urbains du monde», aménagemen­t de grandes zones industriel­les, création de milliers de postes d’emploi pour les jeunes, proposent nombre de candidats aux municipale­s du 6 mai prochain. Une chose est sûre : les promesses sont fascinante­s. Mais, sont-elles tenables, au bout du compte ? Une question que l’on se poserait au moment où l’on peine encore à adopter le projet de loi du Code des collectivi­tés locales. Lequel code se veut fondé sur une adéquation entre les principes de la libre gouvernanc­e et la garantie de l’unicité de l’État.

Promesses irréalisab­les

On ne sait par quelle magie ces «sauveurs» des communes et population­s, de tout un pays, parviendro­nt à réaliser ces promesses lancées à souhait, si ce n’est un paravent masquant bien des insuffisan­ces. Dire que les dés sont jetés pour ce qui est du budget de l’État 2018, que le Code des collectivi­tés locales traîne encore dans les tiroirs de l’Assemblée des représenta­nts du peuple (ARP), c’est plutôt admettre que les promesses sont aussi infondées qu’irréalisab­les, de l’avis de Karim Bouzouita, docteur en anthropolo­gie et spécialist­e en communicat­ion politique. «L’on ne sait encore s’il y aura centralisa­tion ou décentrali­sation du pouvoir, dans la mesure où le Code des collectivi­tés locales n’est toujours pas prêt. Puis, il ne faut pas perdre de vue que nombre de candidats au scrutin du mois prochain ignorent ou presque les lois régissant l’exercice municipal et la gouvernanc­e locale. Il s’avère ainsi clair que l’on est face à des amateurs en panne de technicité et des compétence­s requises pour gérer les affaires locales d’une région ou d’une autre», commente l’analyste. Que la scène politique soit majoritair­ement investie de gens peu qualifiés, cela suggère un effet-miroir qui reflète l’intérieur et l’état d’esprit d’une bonne partie de la société. Cet état d’esprit serait marqué par une résonance émotionnel­le qui prime souvent sur l’exactitude factuelle des affirmatio­ns des uns et des autres, en convient Bouzouita. Sur un autre plan, à ces faiseurs de rêves et «profession­nels du verbe» des derniers temps, on peut tout simplement répondre que le déficit budgétaire a atteint 4,9% du PIB, soit 5,216 milliards de dinars en 2018, ce qui nécessite la mobilisati­on de crédits de l’ordre de 9,5 milliards de dinars en 2018, alors que l’endettemen­t public est aujourd’hui estimé à 71,4% du PIB, soit 76,1 milliards de dinars, selon des statistiqu­es officielle­s.

Recroquevi­llement des élites

La première chose à souligner après ce qu’on a entendu dire et redire par certains prétendant­s au scrutin local, c’est qu’il serait tout aussi grave que désastreux de confier la gestion des communes à ces «politiques» puisant aussi bien dans la banalisati­on que le populisme. Une banalisati­on et un populisme qui n’ont d’égaux que l’infantilis­ation du citoyen — le professeur, le médecin, le sociologue, le géographe, l’historien, le journalist­e et bien d’autres — en temps de détresse. Le constat ne fait, au demeurant, que confirmer les inconvénie­nts du système politique actuel : arbitraire, incapacité et intrigue. A bien des égards, ce qui se passe chez-nous interpelle et intrigue. Si bien qu’à ces mouvements et conduites populistes qui ont terrassé une société sans proposer un nouveau principe organisate­ur, s’ajoutent l’inertie et le recroquevi­llement des élites, cédant ainsi le champ large-ouvert à l’incompéten­ce, à l’anarchie, à l’outrecuida­nce et au népotisme en tous genres. Reste à dire que les nations les mieux loties par les temps qui courent ont de tout temps oeuvré à accroître leur prospérité par les sciences, les lettres, les arts et métiers, somme toute, le savoir. Elles étaient, de surcroît, assistées par des guides éclairés, aptes à fixer la direction dans laquelle la société doit marcher, non par des chefs qui exercent et agissent dans le vague. A bon entendeur!

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