La Presse (Tunisie)

Au-delà de la noirceur…

Une exposition personnell­e de l’artiste peintre et sculpteur Boujemaa Belaifa, rassemblan­t des peintures, des sculptures et des installati­ons anciennes et récentes, est actuelleme­nt abritée par la galerie B’chira Art Center.

- Ronz NEDIM

On pénètre dans l’exposition de Boujemaa Belaifa comme on s’égarerait dans un drôle de rêve, où se disputent des figures fantasmago­riques dégénérées. Multiplian­t les discipline­s : sculpture, peinture, et installati­ons, les techniques et la matière : techniques mixtes, terre cuite, résine cuivrée, feuilles d’or, etc., l’artiste peintre et sculpteur nous immerge dans un univers étrange, plein de mystères, occupé par des êtres mi bêtes-mi humains, un monde désolé, crépuscula­ire, post-apocalypti­que. Comme si la grande catastroph­e avait finalement eu lieu et que seuls quelques vestiges de notre civilisati­on subsistaie­nt sur terre. Dans « Sataniques », trois créatures horrifique­s se dressent dans un paysage sombre. Dans les oeuvres intitulées « Symbolisme », « Animosité futile », « Pudeur », on y trouve parfois un halo de lumière apportant un peu de clarté à la scène, puis le peintre complète le fond noir de ses toiles de quelques aplats verdâtres, rouges et violacés. Dans son installati­on « Ego », des crânes sculptés, assemblés dans un cageot, vainement tournés vers le ciel, attendant la venue incertaine d’un salvateur quelconque. De toute évidence, figurative­s, ses oeuvres, lorsqu’on les observe d’un peu plus près, deviennent quasi abstraites. C’est un tout autre univers qui nous est dévoilé. On distingue davantage les couleurs et on perd la forme. Notre regard se laisse guider par la dynamique des lignes courbes qui composent le tableau. L’ensemble devient complèteme­nt abstrait, le sujet n’a plus d’importance, seule la vibration des couleurs et du mouvement compte. Et chaque tableau est complété par un élan très gestuel, très impulsif que le peintre charge d’énergie, d’émotion. À ce moment, il s’efforce d’abandonner toute forme de contrôle et laisse l’oeuvre lui dicter ce dont elle a besoin pour être entière. Du noir, beaucoup de noir, qui pourrait glacer ou faire taire les nuances de sentiments, laisse, bien au contraire, jaillir des émotions et des questionne­ments : froid constat que celui de notre condition humaine ? Plutôt l’essence même de la création, ici sans cesse questionné­e. Les tableaux tout comme les sculptures mettent en scène des figures, figurées et défigurées ou sont en phase de le devenir. L’art n’a en effet pas de norme. Ici le beau et le laid n’existent pas. Chaque trait de peinture déposé sur la toile, chaque forme modelée et travaillée dans la matière solide de la sculpture est un mélange d’inspiratio­n, d’intentions et d’émotions. Venues des méandres cachés de la mémoire et de l’imaginatio­n, ces créatures d’un ailleurs insaisissa­ble ne laissent pas indifféren­t. Le visage ou le corps dans leurs expression­s deviennent la ligne artistique du peintre.

Sensibilit­é et sincérité se dévoilent dans chaque oeuvre où s’opposent les dualités, les extrêmes, le pour et le contre, le bien et le mal, les anges et les démons, la force et la douceur,… Le noir a ses couleurs que le peintre sait, avec émotion, nous faire découvrir. Une autre forme de lumière profonde jaillissan­t des méandres noirs représenté­s sur ces toiles. C’est peut-être qu’audelà des couleurs et même de la noirceur il y a cette lumière de l’âme humaine qui accompagne chaque acte créatif. Et que derrière chaque trait de peinture déposé sur la toile on retrouve un mélange d’inspiratio­n, d’intentions et d’émotions qui se joignent aux aléas de la vie pour créer de telles oeuvres vibrantes d’énergie et remplies d’émotion. L’exposition se prolongera jusqu’au 6 mai prochain.

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On pénètre dans l’exposition de Boujemaa Belaifa comme on s’égarerait dans un drôle de rêve, où se disputent des figures fantasmago­riques dégénérées.
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Sensibilit­é et sincérité se dévoilent dans chaque oeuvre où s’opposent les dualités, les extrêmes, le pour et le contre, le bien et le mal, les anges et les démons, la force et la douceur,…
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Venues des méandres cachés de la mémoire et de l’imaginatio­n, ces créatures d’un ailleurs insaisissa­ble ne laissent pas indifféren­t.

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