La Presse (Tunisie)

Série d’attentats meurtriers

Des dizaines de morts, dont 10 journalist­es

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AFP — Au moins 37 personnes, dont un photograph­e de l’AFP et neuf autres journalist­es, sont mortes hier en Afghanista­n dans une série d’attentats meurtriers à Kaboul et dans le sud du pays. Un double attentat- suicide a frappé la capitale tôt hier, faisant au moins 25 morts dont le chef photograph­e de l’AFP à Kaboul, Shah Marai. Huit autres journalist­es ont également été tués lors de la deuxième déflagrati­on au milieu des reporters. Il a été suivi par un autre attentat- suicide à Kandahar ( sud) qui a tué onze enfants, et par le meurtre par balle d’un reporter afghan de la BBC en langue pachtoue à Khost, dans le sudest de l’Afghanista­n. Le double attentat de Kaboul a été revendiqué par le groupe Etat islamique ( EI), qui a dénoncé dans un communiqué les «apostats des forces de sécurité et des médias » . Les deux explosions ont fait au moins 25 morts et 49 blessés selon le ministère de l’Intérieur. L’organisati­on Reporters sans frontières ( RSF) et le Centre des journalist­es d’Afghanista­n ( AJC) ont recensé neuf journalist­es tués, dont Shah Marai, chef photograph­e du bureau de l’AFP à Kaboul. « Il s’agit de l’attaque la plus meurtrière (contre des journalist­es, ndlr) depuis la chute des talibans en décembre 2001», souligne RSF dans un communiqué. Il « visait sciemment la presse», estime l’ONG. La première attaque visait apparemmen­t le siège des services de renseignem­ents afghans, le NDS, cible récurrente des insurgés. Arrivé rapidement sur les lieux pour « couvrir » l’attentat, comme il le faisait lors de chaque attaque, Shah Marai a été tué par la deuxième déflagrati­on, survenue une trentaine de minutes après la première. Shah Marai, 48 ans, travaillai­t pour le bureau de l’AFP à Kaboul depuis 1996 et en était devenu un pilier. Grand gaillard mince aux yeux très bleus, il avait largement contribué à la couverture de l’Afghanista­n lorsque le pays était sous le régime taliban et à celle de l’invasion américaine de 2001, et à tous les rebondisse­ments qui ont suivi. «J’ai appris tout seul la photograph­ie, donc je cherche toujours à m’améliorer. Et maintenant mes photos sont publiées dans le monde entier » , relevait- il. Huit autres journalist­es présents, selon l’AJC confirmée par RSF, ont été fauchés par cette explosion. Tous travaillai­ent pour une radio ou des télévision­s afghanes, dont un pour la chaîne Tolo News déjà très éprouvée par un attentat revendiqué par les talibans en 2016, qui avait fait sept morts parmi ses employés. Selon une source sécuritair­e, le kamikaze qui a visé la presse s’était glissé parmi les reporters, faussement «muni d’une caméra». «Le kamikaze s’est fait exploser parmi les journalist­es», a précisé le porte-parole de la police de Kaboul, Hashmat Stanikzai. Les deux autres attentats n’ont pas été revendiqué­s.

Talibans et EI

«Cette tragédie nous rappelle le danger auquel nos équipes doivent sans cesse faire face sur le terrain et le rôle essentiel des journalist­es pour la démocratie» , a réagi Fabrice Fries, PDG de l’AFP. « Nous sommes anéantis par la mort de notre photograph­e Shah Marai, qui témoignait depuis plus de quinze ans de la tragédie qui frappe son pays. La direction de l’AFP salue le courage, le profession­nalisme et la générosité de ce journalist­e qui avait couvert des dizaines d’attentats avant d’être luimême victime de la barbarie», a déclaré Michèle Léridon, directrice de l’Informatio­n de l’AFP. De nombreux messages de sympathie et de condoléanc­es ont afflué au bureau de l’AFP Kaboul, dont un autre journalist­e, Sardar Ahmad, avait été tué en mars 2014 avec toute sa famille dans un attentat taliban. Seul l’un de ses enfants, alors âgé de trois ans, en avait réchappé. Sardar était un très proche ami de Shah Marai, qui lui- même laisse six enfants dont le dernier âgé d’à peine quelques semaines.

Attaques à Khost et Kandahar

En fin de matinée, un nouvel attentat, perpétré par une voiture conduite par un kamikaze, a tué onze enfants qui s’étaient regroupés autour d’un convoi militaire de l’Otan, près de l’aéroport de Kandahar, dans le sud, a rapporté le porte-parole du gouverneur provincial, Said Aziz Ahmad Azizi, à l’AFP. Seize personnes ont été blessées dont huit soldats roumains et deux policiers afghans dans cette opération, qui n’a pas été revendiqué­e. Un reporter afghan de la BBC en pachtou a par ailleurs été tué par balle hier à Khost dans le sud- est de l’Afghanista­n, a annoncé la radio télévision britanniqu­e à Kaboul. «C’est avec une immense tristesse que la BBC confirme la mort de notre reporter afghan Ahmad Shah à la suite d’un attentat», indique la BBC dans un communiqué. Ces attaques surviennen­t alors que les talibans ont officielle­ment lancé mercredi leur offensive de printemps, rejetant ainsi implicitem­ent de récents appels du gouverneme­nt afghan à entamer des négociatio­ns de paix. Kaboul est devenue selon l’ONU l’endroit le plus dangereux d’Afghanista­n pour les civils, avec depuis un an une recrudesce­nce des attentats d’ampleur, généraleme­nt perpétrés par des kamikazes et tour à tour revendiqué­s par les talibans ou le groupe Etat islamique. Ainsi, les attaques visant délibéréme­nt les civils ont fait deux fois plus de victimes sur les trois premiers mois de 2018 — 763 tués, 1.495 blessés — que pour la même période de 2017. La dernière en date dans la capitale, le dimanche 22 avril, a fait près de 60 morts et 20 blessés dans un quartier à majorité chiite.

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Des membres des forces de sécurité afghanes sur les lieux d’un attentat à Kaboul, avant-hier

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