Quand le silence se fait langage pictural
Une cinématographie se dégage dans son discours pictural et c’est plus que légitime chez cette réalisatrice de films documentaires qui vit et travaille actuellement en Tunisie.
Après l’exposition «Dive» accueillie en 2016, la galerie d’art contemporain A. Gorgi dédie de nouveau ses cimaises aux oeuvres de l’artiste d’origine polonaise Mira Agdal (de son vrai nom Anna Blaszczyk) réunies sous l’intitulé «Hors saison». Des aplats de couleurs pastel froides et apaisantes à la fois donnent lieu à des situations, des arrêts sur images dans lesquels l’on voit de «sinistres» individus anonymes (hommes, femmes et enfants) isolés dans un univers aseptisé et qui ne nous regardent pas. Ils baignent dans des ambiances estivales et des décors balnéaires épurés à souhait, dont on n’a gardé que l’essentiel... les lignes et les structures principales. Ces derniers se donnent la réplique dans des attitudes et des postures calmes, silencieuses et quasi muettes. Face à cela, l’on ne peut qu’être curieux quant à ce qui se dit entre certains, ce qui lie certains d’entre eux mais aussi à l’état d’avant, à celui à venir ou encore à ce hors-champ qui nous échappe aussi... Travaillant ses compositions à partir de ses photographies, l’artiste ne garde de l’architecture et du décor que les lignes directrices. De grands aplats de couleurs atténuées et pastel viennent marquer les différents espaces. Ses oeuvres (acryliques sur toile) sont silencieusement éloquentes, tirant leur intérêt, leur propos dans ce parti pris esthétique. Une cinématographie se dégage dans son discours pictural et c’est plus que légitime chez cette réalisatrice de films documentaires qui vit et travaille actuellement en Tunisie. Dans cet univers, le temps semble être en suspens et des individus sont saisis ou plutôt posés et mis dans différentes postures, certains se prélassent sur le sable, ou au bord d’une piscine nous tournant et se tournant le dos sans aucune communication apparente, d’autres sont debout placés ici et là devant l’étendue d’un bleu dont la platitude nous engouffre et nous happe et d’autres encore exécutent en silence différentes tâches: pliant et rangeant des transats, balayant, ratissant... C’est la fin de la saison, la fin de quelque chose et le passage à un autre état ou peut-être pas... Une esthétique qui nous rappelle celle de l’Américain Edward Hopper sauf que chez Mira Agdal, l’épure se fait froide, plus flagrante et plus poussée et l’on a l’intuition dans ce «hors-saison» qu’au final dans ces champs de vision qu’elle a choisi de nous présenter il ne demeurera que quelques lignes aux dépens de ces individus qui finissent lentement par se retirer du champ pour n’avoir qu’une présence de silhouettes et ombres projetées... A voir absolument!