La Presse (Tunisie)

Netanyahu fait son cirque

La démonstrat­ion du Premier ministre israélien ne convainc pas et se heurte à la résistance européenne

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AFP — Les Européens ont signalé clairement hier que la masse d’informatio­ns recueillie­s selon Israël par ses espions à Téhéran ne semblaient pas justifier une remise en cause de l’accord nucléaire conclu avec la République islamique d’Iran. La France, le Royaume-Uni et l’Union européenne, tous avocats du maintien de l’accord historique de 2015, ont indiqué que les informatio­ns théâtralem­ent divulguées avant-hier par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, pour plaider une dénonciati­on de cet accord, ne faisaient que conforter le bien-fondé de celui-ci. L’Agence internatio­nale de l’énergie atomique (Aiea) s’est dite prête à examiner toutes les informatio­ns pertinente­s qui lui parviendra­ient sur le respect de cet accord. Netanyahu a indiqué qu’il communique­rait les informatio­ns israélienn­es à l’agence et aux acteurs internatio­naux concernés. En attendant, l’Aiea a renvoyé dans un communiqué aux conclusion­s contenues dans un de ses rapports de 2015 et selon lesquelles, contrairem­ent à ce que dit Netanyahu, elle n’avait «aucune indication crédible d’activités en Iran liées au développem­ent d’un engin nucléaire après 2009». Hier, Netanyahu s’est livré sur CNN à une défense appuyée de son propos. «Personne n’était mieux renseigné qu’Israël sur l’Iran». Il s’est aussi défendu de vouloir la confrontat­ion armée avec l’Iran. «Personne ne cherche un tel développem­ent».

«Menteur»

A l’approche de l’échéance du 12 mai, cruciale pour l’avenir de cet accord censé garantir le caractère civil du nucléaire iranien, la déclaratio­n de Netanyahu ne semble guère avoir fait bouger les lignes. Cette déclaratio­n, entre autres, montre «vraiment que j’ai raison à 100%», a dit le président américain Donald Trump, principal allié d’Israël, qui a promis par le passé de «déchirer» cet accord et donné aux Européens jusqu’au 12 mai pour trouver un nouveau texte qui remédierai­t aux «terribles lacunes» de celui de 2015. Quant à l’Iran, qui a toujours démenti chercher à se doter de l’arme nucléaire, Netanyahu est pour lui «un menteur invétéré». Avant-hier soir, le Premier ministre israélien a dévoilé ce qu’il a présenté comme une prise exceptionn­elle réalisée par les espions israéliens à Téhéran même, et les «preuves concluante­s» de l’existence d’un plan secret de l’Iran pour se doter de l’arme nucléaire. Une centaine de milliers de photos, vidéos et autres graphiques montrent selon lui que l’Iran, malgré ses dénégation­s constantes, a bien développé de 1999 à 2003 un projet secret appelé Amad pour produire la bombe atomique. Israël, ennemi juré de l’Iran, se voit comme une cible désignée si ce pays se dotait de l’arme nucléaire. La destructio­n de l’Etat hébreu fait partie de la rhétorique de l’Iran. Téhéran a mis Amad de côté sous la pression internatio­nale, mais a continué jusqu’à aujourd’hui, dans le cadre d’une organisati­on modifiée, à préserver son savoir-faire et à développer ses capacités nucléaires militaires, a affirmé Netanyahu. L’Iran a secrètemen­t gardé au frais le projet Amad pour le ressortir «au moment de son choix», a-t-il dit.

«Le bon choix»

Netanyahu s’est essentiell­ement employé à convaincre qu’on ne pouvait pas faire confiance à l’Iran et que l’accord de 2015 «repose sur des mensonges». Il s’est dit confiant que Trump ferait le «bon choix» d’ici au 12 mai. Pour la cheffe de la diplomatie de l’Union européenne, Federica Mogherini, les documents aux mains des Israéliens devront être analysés, en premier lieu par l’Aiea. Mais elle a souligné que «Netanyahu n’avait pas remis en question le respect» par l’Iran de l’accord. Les affirmatio­ns de Netanyahu «renforcent» la pertinence de l’accord, qui interdit toutes les activités liées au développem­ent d’une arme nucléaire et instaure un des régimes d’inspection les plus robustes de l’histoire, a dit Paris. Le président français Emmanuel Macron défend l’accord mais s’est aussi dit favorable à son élargissem­ent, sur le contrôle de l’activité nucléaire après 2025 et le programme balistique de l’Iran. Les anciens de l’administra­tion Obama ont critiqué Netanyahu. Le contenu de la présentati­on «n’est pas nouveau», a tweeté Dan Shapiro, ex-ambassadeu­r en Israël. Mais il sera «utile à Trump quand il annoncera qu’il sort de l’accord le 12 mai. Je crois qu’il (Trump) a déjà pris sa décision. Cette présentati­on, coordonnée avec son équipe, sera citée comme preuve pour la justifier». Pour le quotidien israélien Yediot Aharonot, la démonstrat­ion de Netanyahu montre seulement que les scientifiq­ues iraniens ne sont pas devenus des «enfants de choeur» après 2015. Les documents produits sont un «plat de pâtes réchauffée­s servant l’image du Premier ministre» en garant de la sécurité d’Israël, écrit le journal à un moment de tensions avivées avec l’Iran en Syrie voisine.

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