Enfin, le grand jour !
Demain, dimanche 6 mai, est le grand jour tant attendu. Les Tunisiens élisent leurs nouveaux conseils municipaux. La vigilance étant de rigueur, ils sont appelés à bannir la violence, la haine et la division
Le Code des collectivités locales comportant près de 400 articles est considéré par plusieurs analystes et politologues comme «une deuxième Constitution».
Demain, dimanche 6 mai, les Tunisiens seront appelés à élire les 7.177 nouveaux conseillers municipaux qui auront la charge de gérer les 350 municipalités que comptera le pays au cours des cinq prochaines années (avant la révolution, on dénombrait 264 municipalités). Les élections municipales, dont la tenue a trop tardé (7 ans après la révolution), interviennent dans un contexte particulier marqué par deux événements majeurs : la désaffection générale qui a pesé sur les trois semaines de campagne électorale, d’une part, et l’adoption, d’autre part, par l’Assemblée des représentants du peuple, du Code des collectivités locales régissant le pouvoir local et définissant les compétences qui seront accordées aux présidents et membres des conseils municipaux. Le Code des collectivités locales comportant près de 400 articles est considéré par plusieurs analystes et politologues comme «une deuxième Constitution qui donnera corps et âme au chapitre 7 de la Constitution du 27 jan- vier 2014 relatif au pouvoir local donnant aux collectivités locales (municipalités) et aux régions la possibilité de se prendre en charge, de gérer elles-mêmes leurs projets de développement et de responsabiliser les cadres locaux et les compétences locales qui n’auront plus à attendre les directives ou les ordre des autorités centrales pour décider du développement de leurs régions». Sauf qu’entre la théorie et la pratique, il existe un grand fossé et malheureusement, la campagne électorale et les événements qui l’ont accompagnée entre les promesses extravagantes et farfelues et les pratiques de violence physique et d’intimidation morale commises par certaines parties ont montré que la jeune expérience démocratique tunisienne, que le monde entier observe avec admiration et estime, se trouve face à de sérieuses menaces à l’occasion du premier exercice de consécration de la démocratie locale auquel les Tunisiens sont conviés demain. Quand la violence physique prend le dessus sur le dia- logue et les débats d’idées et de programmes, quand une candidate est attaquée lâchement au couteau au vu et au su de tout le monde et qu’aucun parti politique en compétition ne dénonce l’agression ou n’appelle à un mouvement de protestation et quand le local d’une instance régionale des élections est incendié, on a le droit de se demander où va-t-on et de s’interroger : les vieux démons de la haine et de la violence se sont-ils réveillés à quelques jours du rendezvous du 6 mai, jour du vote, la journée qu’on attend dans un climat de division entre ceux qui appellent au boycott, partant du fait que les Tunisiens ont perdu confiance en l’élite politique post-révolution et ceux qui considèrent que voter est un acte citoyen qui montre que les Tunisiens sont dignes de la démocratie et de la liberté ? On ne saura jamais qui pousse les auteurs des agressions à commettre leurs lâches actes, on ne se lassera jamais aussi de répéter que la lutte dans les pays démocratiques est une compétition d’idées, de visions et de programmes et on répé- tera toujours que le recours à la violence verbale ou physique participe d’une mentalité manifeste d’exclusion et de déni de la démocratie et de la liberté, valeurs cardinales pour la consécration desquelles plusieurs Tunisiens ont payé le prix fort. Beaucoup se sont félicités de voir la Haica et l’Isie intervenir énergiquement pour empêcher les dérapages et les fuites en avant sur les plateaux TV ou les studios radio et nous épargner bien des scandales ou des combats de coqs que «nos élites ont pris l’habitude de nous produire». Aujourd’hui que les dés sont jetés et que «certains n’ont pas résisté à la tentation du retour aux pratiques de la division et de la sédition avec leurs discours inacceptables et leurs actes condamnables», n’est-il pas temps de voir nos partis reconnaître qu’ils ont fauté, appeler leurs adhérents à faire preuve de modération et de retenue et se mobiliser pour faire de la journée de demain une fête de la démocratie locale et de la consécration de la volonté citoyenne.