Une odyssée palestinienne du futur
Une réflexion et une esthétique innovante qui ramènent la cause palestinienne sur le champ contemporain de la conscience et de la création.
Une réflexion et une esthétique innovante qui ramènent la cause palestinienne sur le champ contemporain de la conscience et de la création.
En plein coeur de Beyrouth, s’érige un bâtiment consacré à la mémoire de la Palestine et de la région. Dar El-Nimer pour les arts et la culture est une institution indépendante qui propose tous types d’expressions artistiques historiques, modernes et contemporaines. Ses cimaises accueillent, jusqu’au 6 juin, l’exposition Sci-Fi Trilogy de l’artiste pluridisciplinaire palestinienne Larissa Sansour. Une oeuvre quasi inédite dans le monde arabe et qui vaut le détour par l’originalité de son approche. Larissa Sansour embarque, en effet, les visiteurs dans un monde imaginé, mais qui renvoie à une identité et un combat réels, ceux du peuple palestinien. Un va-et-vient entre réalité et fiction exprimé en vidéos, photographies, sculptures et installation, autour de trois films de l’artiste : « A Space Exodus » ou un exode spacial (2009), « Nation Estate » ou Etat Nation (2012) et « In the Future They Ate From the Finest Porcelain » ou Dans le futur ils ont mangé dans la plus belle porcelaine (2016). L’Histoire s’imbrique au futur pour explorer les thématiques, comme l’héritage, l’appartenance et la perte. Le passé est ce qu’il est, mais un futur imaginé peut porter justice au peuple palestinien, ou du moins pointer du doigt l’absurdité de l’injustice. Larissa Sansour a trouvé dans la science-fiction un refuge pour cette réflexion, transformée en « A space Exodus » où le drapeau palestinien, faute de place sur terre, entame un voyage spatial pour être planté sur la lune. Les Palestiniens euxmêmes sont imaginés comme des extra-terrestres, des « Palestinautes », et représentés par des figurines créées par l’artiste, qui ne s’arrête pas là. Elle représente ensuite, dans « Nation Estate » la Palestine comme un gratte-ciel dans lequel est confinée l’identité du pays et dont on l’empêche de sortir. Chaque étage est consacré à une ville ou un pan culturel où Larissa Sansour se met en scène pour exprimer la situation vécue à Jérusalem ou à Gaza, entre autres exemples. L’une des idées maîtresses de «Sci-Fi Trilogie» est exprimée dans « In the Future They Ate From the Finest Porcelain ». C’est à la fois une tentative de sauvegarde de la mémoire dans le présent, mais aussi d’anticipation de la préservation dans le futur. Larissa Sansour a créé des plats en porcelaine, imprimés de la Keffieh, qu’elle a ensuite enterrés dans différents coins de la Palestine. Des prototypes de ces porcelaines font partie de l’exposition qui comporte également des sculptures où sont inscrites les positions exactes des endroits où elles sont cachées. Un témoin du présent qui donne rendezvous au futur comme pour dire : nous sommes là, nous avons été là et nous resterons ! Une réponse directe aux tentatives de falsification de l’Histoire par Israël, dont les fouilles archéologiques défigurent sans cesse le droit à la vérité. La réponse est justement ce qui distingue le travail de Larissa Sansour. Une réflexion et une esthétique innovante qui ramènent la cause palestinienne sur le champ contemporain de la conscience et de la création. Une réponse implacable où l’art devient une science exacte, limpide et indéniable comme le droit de retour. Une oeuvre acclamée de par le monde et qui résiste jusque-là aux tentatives de censure au nom de l’antisémitisme. Une oeuvre à téléporter d’urgence en Tunisie !