La Presse (Tunisie)

La maison du roman ouvre grandes ses portes

Parce qu’adaptés à l’écran, ces romans sont populaires, traversent les classes sociales, les pays, les tranches d’âge et surtout le temps

- Hella LAHBIB

Les portes du palais s’ouvrent une par une. La maison du roman à la Cité de la culture a été inaugurée jeudi après-midi. Kamel Riahi, directeur du nouveau pavillon, a souhaité la bienvenue «aux hôtes de la Tunisie, aux diplomates, aux chevaliers de l’imaginaire, aux intellectu­els tunisiens et arabes». Précédée d’une exposition-vente de romans en langue arabe, la levée de rideau est suivie d’un Forum inaugural de trois jours sur le thème : «Le roman arabe et sa capacité à influer sur les choses». Le grand romancier libyen Ibrahim El Kouni en est l’invité d’honneur. «C’est un rêve devenu réalité» , poursuit Kamel Riahi, évoquant la Cité de la culture, qui «n’est pas née fortuiteme­nt mais qui est le fruit du labeur de plusieurs génération­s qui nous ont précédés». L’ex- ministre de la Culture, l’homme de lettres et romancier, Béchir Ben Slama, a été invité à la tribune pour parler en premier. «La création de la maison du roman est un événement en soi» , a-t-il lancé d’emblée. Promouvoir le roman réclame de trouver les moyens et les circuits pour le dif- fuser auprès des apprenants scolaires et universita­ires et des lecteurs en impliquant les moyens de communicat­ion divers et variés, a-t-il ajouté en substance.

Est-il vrai que nos sociétés ne lisent pas ?

C’est une allocution à la fois politique, littéraire et truffée de références historique­s que la vedette de la rencontre Ibrahim El Kouni a présentée. Il n’a pas tari d’éloges sur le sens de l’hospitalit­é des Tunisiens qui ont ouvert leurs maisons, quand d’autres les ont fermées en barricadan­t leurs frontières, «ouvertes pourtant au temps de la prospérité». Il a encore loué la sagesse des Tunisiens pour ne pas s’être laissé entraîner dans les guerres civiles, préservant leur patrie. Il a comparé ceux qui ont tenu bon pour voir enfin s’ériger la Cité de la culture, aux bâtisseurs des pyramides voire à ceux du temple de Karnak, mus par une véritable «vocation sacerdotal­e». Le romancier n’a cessé de fustiger, en revanche, l’idéologie sous toutes ses formes, «ce dragon ennemi de la beauté», et «le pétrole», cette malédictio­n ! La première séance du forum, présidée par Kamel Chihawi, a réuni les écrivains Rachid Dhaïf du Liban, Habib Salmi de Tunisie-France, Ibrahim Abdelmajid d’Egypte et Massouda Abou Bakr de Tunisie. Parmi les questions posées comme pistes de réflexion : Le roman arabe a-t-il changé les sociétés arabes et leurs modes de réflexion ? A-t-il participé à la constituti­on de la conscience arabe ? Ou encore, pour quelles raisons le livre est-il censuré, confisqué, interdit et les écrivains sont-ils arrêtés et exilés ? Est-il vrai que nos sociétés ne lisent pas ?

La rupture est totale

L’interventi­on de la romancière tunisienne Massouda Abou Bakr a été particuliè­rement intéressan­te. Le roman a influencé le roman, précise-t-elle, ainsi que des cercles restreints; a contrario, son influence sur le grand public est restée limitée. L’adaptation des livres à la télévision et au grand écran contribue à leur diffusion. L’écrivaine a donné l’exemple de deux romans russes, universels par leurs portées ; «Le Docteur Jivago» et «Anna Karé- nine». Le premier, signé de Boris Pasternak, a été interprété dans le rôle principal par feu Omar Sharif. Quant à l’immense roman de Léon Tolstoï, il a été plusieurs fois porté à l’écran à travers des production­s française et américaine et une autre version égyptienne ; «Nahr el hob» (Rivière de l’amour) de Ezzel Dine Zulficar, avec Faten Hamama et encore Omar Sharif. Parce qu’adaptés à l’écran, ces romans, il est vrai, sont populaires, atteignent les gens, traversent les âges et défient le temps. En Tunisie, regrette l’intervenan­te, les metteurs en scène écrivent euxmêmes les fictions. «La rupture est totale avec les écrivains» , accuset-elle. «Pourquoi le roman tunisien n’est-il pas porté à l’écran?» , s’interroge-t-elle. Grande question ! Un élégant amphithéât­re abrite la maison du roman. Les murs de couleur grège et les fauteuils sont tapissés de bleu. Bleu comme Barbe bleue. Et comme le veut la légende, la porte a été finalement ouverte pour s’affranchir, espérons-le, du despotisme de la médiocrité et devenir, peut-être, une source d’épanouisse­ment pour la fiction romanesque de qualité.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia