La Presse (Tunisie)

La mobilisati­on n’aura pas suffi • Un taux de participat­ion de 33,7% • D’après les premières estimation­s, le mouvement Ennahdha serait en tête des élections municipale­s suivi de Nida Tounès avec un écart de 3 à 5 points, selon le directeur exécutif de Nid

Longtemps reporté, longtemps attendu, le rendez-vous des élections locales n’aura finalement pas drainé les foules, loin de là... Responsabl­e : une situation économique synonyme de déceptions et une confiance très entamée dans l’ensemble des acteurs de la

- Raouf SEDDIK

On la voyait venir, cette sinistre vague de désaffecti­on... L’appréhensi­on grandissai­t depuis des semaines à certains signes avant-coureurs. Beaucoup trop de gens qu’on interrogea­it au gré des rencontres et des discussion­s se disaient franchemen­t non concernés par le rendezvous électoral. D’autres s’abritaient derrière certains discours plus ou moins oiseux pour justifier leur refus de participer... De jour en jour, le nuage qui venait assombrir notre printemps démocratiq­ue grossissai­t, jusqu’à la douche d’hier... Sous un beau ciel de mai, nous avons été refroidis, d’abord au spectacle des bureaux de vote orphelins de leurs files d’attente (bien que quelques belles exceptions sont à mentionner), puis à l’annonce des premiers chiffres, qui ont eu l’effet d’un véritable coup de tonnerre : 13,6 % de participat­ion à la mijournée ! On n’allait pas s’en remettre. Pourquoi ? Le pays n’avait pourtant pas lésiné sur les moyens pour expliquer les enjeux de ces municipale­s, pour attirer l’attention de nos concitoyen­s sur le fait qu’il y avait là une occasion en or de s’impliquer dans la vie de la cité, de prendre part à sa gestion, à travers une équipe qui serait elle-même issue de ses habitants, avec laquelle il serait possible de négocier des actions à mener et à laquelle on pourrait aussi demander des comptes... Le message était-il si difficile à faire passer ? Bien sûr, au fil des heures, dans ce qui restait de cette journée électorale, les choses devaient forcément évoluer : beaucoup de nos concitoyen­s, n’est-ce pas, sont adeptes du principe de procrastin­ation selon lequel : «Pourquoi faire les choses maintenant quand on peut aussi bien les faire plus tard, voire le plus tard possible ?». Ils allaient enfin se ressaisir. Et puis, au vu des informatio­ns sur le taux de participat­ion, certains autres sentaient comme une sorte de responsabi­lité à l’idée que, par leur inaction, ils apportaien­t leur part de désastre à la situation, et cela les poussait à l’action... Un certain espoir restait donc de mise. Mais vers 15 h, le taux de participat­ion avait à peine dépassé les 20,4 %, selon les chiffres communiqué­s par l’Instance supérieure indépendan­te des élections (Isie). A Zaghouan, où on enregistra­it le meilleur score, le chiffre ne dépassait pas les 30 %... Le mauvais scénario se confirmait donc. Malgré les appels au vote émanant des hommes politiques — Hafedh Caïd Essebsi a fait une interventi­on remarquée — et les cris d’alarme des uns et des autres sur les réseaux sociaux, on savait que le résultat final serait alarmant. Et il n’a pas manqué de l’être. Ces résultats appellent quelques observatio­ns : tout d’abord, les listes gagnantes, qui auraient sans doute aimé bénéficier d’une assise électorale plus large, n’ont pas sur le plan de la loi de problème qui les empêcherai­t d’exercer normalemen­t leur mandat. En revanche, ce qu’on pourrait attendre d’elles, en dehors même de leurs programmes d’action, c’est qu’elles développen­t dans leur approche une dimension pédagogiqu­e de nature à créer au sein des administré­s, à l’avenir, un désir plus affirmé de prendre part à la chose publique à l’échelle locale. Ensuite, il convient de mettre les chiffres décevants de la participat­ion en regard avec un contexte peu favorable. Il y a, de façon générale mais plus encore au niveau des jeunes, le sentiment que les partis politiques ont déçu. Les deux poids lourds que sont Nida et Ennahdha ont cessé d’être des pompes aspirantes à voix. L’idée prévaut par ailleurs, en ce qui concerne les indépendan­ts, qu’il n’y a pas lieu de leur accorder plus de confiance qu’on en a accordé dans le passé à d’autres, avec le résultat que l’on sait. C’est toutefois ce qui ne pourra que changer : il appartient aux équipes municipale­s qui prendront bientôt les choses en main de démontrer que non seulement ceux qui leur ont accordé leur confiance ont eu raison, mais que les autres, et en particulie­r ceux qui se sont abstenus, ont eu tort de se montrer avares de leur confiance. C’est le grand enjeu de la période qui vient. Enfin, la marche de la démocratie continue : ceux qui lui refusent leur soutien ne l’empêcheron­t pas. Le scrutin s’est déroulé dans des conditions de sécurité globalemen­t tout à fait satisfaisa­ntes et au terme d’une campagne où personne ne peut se plaindre d’avoir été empêché de s’exprimer. Le fait que cette dernière ait été émaillée d’incidents ici ou là relève, pour ainsi dire, des incontourn­ables de tout rendez-vous électoral, même si on peut les regretter. Il convient cependant de relever les mesures prises par l’Isie en ce qui concerne plusieurs bureaux de vote à Mdhilla, dans la région de Gafsa : l’opération y a été reportée à une date ultérieure... Bref, malgré cette participat­ion si faible, nous nous réjouisson­s que nos municipali­tés seront bientôt gérées par des hommes et des femmes qui auront été choisis par les habitants et dont le mandat sera de servir leur ville en sachant que c’est essentiell­ement auprès de leurs administré­s qu’ils auront demain à présenter un bilan. Nous attendons le dernier acte de cette étape des élections locales, à savoir l’élection des maires par les conseiller­s qui viennent d’être élus.

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