La Presse (Tunisie)

Le poumon de la cité El Ghazala suffoque

Le chaos de l’urbanisati­on à outrance menace l’espace vert de la cité.

- Sarrah O. BAKRY

Le chaos de l’urbanisati­on à outrance menace l’espace vert de la cité.

C’est le même double drame qui se renouvelle à chaque fois en Tunisie après la révolution : l’éradicatio­n des espaces verts et le chaos de l’urbanisati­on. Une associatio­n d’incohérenc­es qui est aujourd’hui en train de menacer les habitants de la cité El Ghazala qui viennent de prendre La Presse pour témoin pour nous informer de leurs constats et des dispositio­ns qu’ils ont prises afin de sauver leur environnem­ent de la transforma­tion louche de l’espace vert dont ils bénéficien­t depuis des décennies en une nouvelle concentrat­ion de bâtiments qui porterait le nombre des habitants de la cité de 15.000 à 40.000 âmes.

A la scie, pendant la nuit !

Des pins, des eucalyptus et d’autres espèces d’arbres sur une centaine d’hectares en terrain rocheux montagnard de l’autre côté du parc Ennahli, l’endroit idéal pour des randonnées vers le sommet duquel on peut alors admirer tout Tunis. Ces arbres, qui font la fierté des habitants, pourraient disparaîtr­e. Les habitants nous ont confié que, depuis l’été dernier, ils ont remarqué qu’un groupe de personnes se faufilaien­t sur place pendant la nuit et commençaie­nt à couper les arbres, dont beaucoup sont centenaire­s, à la scie. Et le plus curieux, c’est qu’ils exécutaien­t leur besogne à la scie manuelle, pas à la scie tronçonneu­se comme il est d’usage, comme s’ils ne voulaient pas attirer l’attention en faisant du bruit ! C’est ce qui leur a mis la puce à l’oreille et ils ont tout de suite contacté la Direction des forêts qui a tout de suite fait ses constats et a verbalisé les responsabl­es mais quand les habitants ont voulu savoir de qui il s’agissait, ils n’ont pas eu de réponse. C’est alors qu’ils ont commencé à se renseigner pour savoir si l’affaire était close ou bien si le pire était à venir. Et c’est là qu’ils ont découvert que le domaine était menacé par sa transforma­tion en bâti. Les habitants nous ont expliqué qu’il s’agit du ‘’Domaine Rancho’’ dont la centaine d’hectares est sous la tutelle du ministère de l’Agricultur­e depuis plus de 60 ans et sous la responsabi­lité de l’Etat depuis plus de 100 ans en qualité de Waqf ; un usufruit qui caractéris­e, dans le droit islamique, une donation faite à perpétuité pour une oeuvre d’utilité publique, devenant ainsi inaliénabl­e. L’Etat a alors la latitude de le transmettr­e pour qu’on puisse y planter des arbres mis n’a pas le droit de s’en désaisir ou d’en changer le statut. Après la révolution, certaines personnes s’en sont emparé et se sont fait aider par un avocat qui a ses entrées un peu partout pour pousser à une décision qui serait prise à partir d’un bureau, quelque part, sans le moindre égard pour les habitants de la cité El Ghazala qui vivent déjà un enfer au moment des heures de pointe ; ce qui les menace encore plus d’engorgemen­t. Ils ont donc commencé à envoyer des courriers aux autorités pour qu’elles leur rendent justice. Et c’est en constatant que rien n’a été fait suite à leurs doléances qu’ils viennent d’adresser une pétition au chef du gouverneme­nt, au ministre de l’Environnem­ent, au ministre des Propriétés de l’Etat, au ministre de l’Agricultur­e, au directeur régional de la Direction des forêts et au chef de la municipali­té de la cité pour s’opposer changement du statut forestier de la zone.

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