La Presse (Tunisie)

Le temps des négociatio­ns

Plus qu’un scrutin local, beaucoup plus qu’une pierre à l’édifice de la décentrali­sation, les élections municipale­s du 6 mai pourraient bien transforme­r l’échiquier politique de fond en comble. Le scrutin a été incroyable à plus d’un titre

- K.B.S.

Plus qu’un scrutin local, beaucoup plus qu’une pierre à l’édifice de la décentrali­sation, les élections municipale­s du 6 mai pourraient bien transforme­r l’échiquier politique de fond en comble. Le scrutin a été incroyable à plus d’un titre

D’abord, le taux d’abstention général de 62,3% qui, plus qu’un rejet de la classe politique actuelle, constitue une véritable claque à la jeune démocratie tunisienne. Ensuite, l’érosion de l’électorat des deux grands partis, Ennahdha et Nida, et l’émergence de nouvelles forces politiques à l’instar du parti Al-Tayar, auront forcément une répercussi­on sur les élections présidenti­elles et législativ­es prévues en 2019. Sur les plateaux de télévision et dans les émissions radiophoni­ques, les responsabl­es des deux partis qui dominent l’exécutif et le législatif, tentent de faire bonne figure. Avec des éléments de langage bien rodés, les leaders d’Ennahdha et de Nidaa Tounes martèlent : « Les deux grands partis ont gagné ces élections suivis par les indépendan­ts». Mais la réalité, c’est que tous les deux, Ennahdha, depuis 2011, et Nida Tounès depuis 2014, n’ont cessé de perdre des électeurs. Dans le cas d’Ennahdha, la perte du socle électoral est sans doute en partie liée aux révisions idéologiqu­es opérées depuis peu. Du coup, l’électorat extrémiste ne se retrouve plus dans le parti présidé par Rached Ghannouchi. Une frange des électeurs modérés est également partie chez la «concurrenc­e», suite au bilan mitigé du parti Ennahdha au gouverneme­nt. La concurrenc­e, elle, est aujourd’hui représenté­e par Al-Tayar, qui continue, depuis les élections, à drainer vers lui les électeurs centristes. Quant à Nida Tounès, son effritemen­t au lendemain des élections de 2014 et son éclatement en plusieurs partis, a coûté cher au parti fondé par le président de la République Beji Caid Essebssi. Comme Ennahdha, son bilan mitigé au gouverneme­nt et au parlement, s’est aussi traduit par une perte d’électeurs.

Le consensus Nida-Ennahdha toujours de la partie

Mais en dépit de tous ces ratios, il est vrai qu’Ennahdha et Nida Tounès sont encore majoritair­es. Les déclaratio­ns des ténors des deux partis annoncent même la poursuite du «consensus» politique décidé par le patron de Carthage et le fondateur du mouvement Ennahdha. Selon les premiers résultats, dans la plupart des municipali­tés, les conseiller­s élus des deux partis constituen­t la majo- rité et peuvent ainsi peser lourdement. Cependant, cette entente «cordiale» pourrait bien être gâchée par les listes indépendan­tes, qui peuvent, elles aussi, faire front commun contre Ennahdha et Nida Tounès. Le nouveau Code des collectivi­tés locales, voté à l’Assemblée il y a quelques jours, dispose, dans son article 199, que la première réunion du conseil municipal doive se tenir dans les huit jours qui suivent la proclamati­on des résultats définitifs. D’autre part, la loi électorale impose que la présidence des conseils municipaux revienne uniquement aux têtes de liste. Des contrainte­s qui rendent tous les scénarios possibles.

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