«Résoudre les difficultés du transport»
Tarek Kekli est un quadragénaire qui s’adonne au maraîchage bio, depuis déjà 10 ans. Son expérience, alors pionnière, illustre aussi bien les difficultés que le potentiel d’une agriculture qui vit une envolée incontestable.
Tarek Kekli est un agriculteur atypique. Rencontré lors de la Semaine nationale des produits biologiques tunisiens, le quadragénaire se veut un exploitant de terre qui rompt avec l’image de l’agriculteur paysan inculte, tant ancrée dans l’imaginaire collectif des Tunisiens. Le sourire aux lèvres, la silhouette élancée, Tarek nous a dévoilé, sans ambages, son expérience dans l’agriculture biologique, notamment à ses débuts qui, à l’instar de tout commencement, étaient jalonnés de moments difficiles. Après une dizaine d’années vécues en Allemagne, Tarek Kekli a décidé de retourner en Tunisie et de monter son propre projet dans le secteur agricole biologique. « J’ai voulu me servir de l’expérience que j’ai acquise en Allemagne dans le commerce des produits biologiques, pour monter mon projet», préciset-il. Maîtrisant parfaitement les rouages du domaine ainsi que les besoins du marché allemand en matière de produits agricoles biologiques, notre agriculteur savait très bien qu’il pourrait être pionnier en matière d’agriculture biologique en Tunisie.
Les atouts des eaux géothermiques d’El Hamma
En 2007, il a commencé le montage de son entreprise d’exploitation agricole. Son point de départ était la culture des tomates cerises dans la région d’El Hamma dans le gouvernorat de Gabès. Ce choix paraît réfléchi, puisque la région se distingue par ses eaux géothermiques permettant la culture des légumes et des fruits durant la saison hivernale, contrairement aux pays européens, où il est difficile de pratiquer la culture maraîchère durant l’hiver. « Les tomates biologiques tunisiennes sont extrêmement délicieuses et d’un goût unique», ajoute-t-il. A cette période, il n’y avait ni pépinière biologique ni semences. Il n’y avait même pas une assise pour entamer un projet. Il a été obligé de tout importer. En 2008, la société a entamé son activité. Pour Tarek, la principale difficulté était alors, l’exportation de petites quantités de tomates produites, qui devaient être, une fois cueillies, exportées immédiatement dans des remorques conditionnées. Or, les transporteurs refusent de livrer de telles quantités qui ne répondent pas au minimum exigé. Dans un premier temps, le jeune agriculteur était obligé de pallier ces entraves continuelles liées à l’export, en recourant à des « groupeurs » qui collectent les produits des divers agriculteurs bios. «Cela n’était ni rentable ni efficace. Le problème majeur des agriculteurs opérant dans le secteur biologique en Tunisie c’est le transport des produits qui doivent être livrés frais et dans des conditions de conservation normalisées», ditil.
La formation des agriculteurs fait défaut
Autre bémol, l’absence de savoir-faire dans le secteur de la culture biologique. En s’appuyant sur son expérience, Tarek affirme qu’en Tunisie, la formation des agriculteurs en bio fait défaut. Ce qui représente un véritable obstacle pour les entrepreneurs voulant se lancer dans ce type d’agriculture. «J’ai travaillé avec plusieurs ingénieurs tunisiens. A vrai dire, ils sont très compétents, mais je dirais qu’il leur manque de l’expérience en matière d’agriculture biologique. Je collabore avec un ingénieur marocain», précise Tarek. Après 10 ans de travail dans le secteur biologique, Tarek a pu élargir la gamme de ses produits ainsi que la superficie des terres exploitées. Il a également pu créer ses propres entreprises de transport et de conditionnement. Pour lui, c’était un défi qu’il a réussi à relever. «Le ministère doit travailler davantage sur le volet informatif. Parce qu’opérer dans l’agriculture biologique nécessite une prévention continuelle, contrairement au conventionnel où l’on a toujours recours aux traitements chimiques», conclut-il.