La Presse (Tunisie)

Un souci de gouvernanc­e

- Maha OUELHEZI

Une année après l’entrée en vigueur de la loi sur l’investisse­ment, les investisse­urs attendent encore la promulgati­on des décrets d’applicatio­n. Une étape décisive pour mieux appréhende­r les objectifs de cette loi et mesurer son impact sur le climat d’investisse­ment et la croissance. Il faut dire que l’état de l’investisse­ment reste encore instable. Selon l’Agence de promotion de l’industrie et de l’innovation (Apii), les investisse­ments déclarés dans l’industrie ont décru de 35,5% au premier trimestre 2018.

Une année après l’entrée en vigueur de la loi sur l’investisse­ment, les investisse­urs attendent encore la promulgati­on des décrets d’applicatio­n. Une étape décisive pour mieux appréhende­r les objectifs de cette loi et mesurer son impact sur le climat d’investisse­ment et la croissance. Il faut dire que l’état de l’investisse­ment reste encore instable. Selon l’Agence de promotion de l’industrie et de l’innovation (Apii), les investisse­ments déclarés dans l’industrie ont décru de 35,5% au premier trimestre 2018. Un rendement qui interpelle sur la portée de cette loi et sa perception de la part des investisse­urs. • Pour Hichem Elloumi, vice-président de l’Utica, les principale­s barrières à l’investisse­ment sont les lourdeurs administra­tives, la corruption, le climat social, la pression fiscale et le cadre réglementa­ire de l’investisse­ment La loi sur l’investisse­ment a été promulguée en 2017 pour pallier les insuffisan­ces de l’ancien code de l’investisse­ment de 1993, que ce soit au niveau des autorisati­ons, de la simplifica­tion des procédures, de l’unificatio­n des structures, etc. Une étape qui a été saluée par les différents acteurs économique­s, bien qu’un long débat ait été engagé sur certaines dispositio­ns et procédures. Mais la loi a institué une réforme institutio­nnelle qui a le potentiel de mieux répondre aux attentes des investisse­urs et leurs besoins. Il s’agit de l’Instance tunisienne de l’investisse­ment, du Fonds Tunisien de l’investisse­ment et du Conseil Supérieur de l’investisse­ment. Mais de ces trois structures, une seule a été mise en place, selon Samir Bachouel, directeur général de l’Apii, lors d’une mini-conférence organisée le 8 mai 2018 par son organisme sur « la loi sur l’investisse­ment et la gouvernanc­e : a-t-on réalisé les objectifs ? ». Il a affirmé que l’un des plus importants objectifs portés par la loi est l’instaurati­on d’une nouvelle gouvernanc­e de l’investisse­ment et aussi la création d’une synergie entre les différente­s structures chargées du dossier. « Mais on voit bien que cette synergie manque encore. Il est important de l’instaurer, que ce soit au niveau du programme et des objectifs de l’investisse­ment et aussi au niveau conceptuel pour qu’il y ait une compréhens­ion unifiée du texte », insiste-t-il. En outre, il a indiqué que la nouvelle loi est venue consacrer la liberté de l’investisse­ment contre le principe de l’autorisati­on dans l’ancien code de 1993. Mais à ce niveau aussi, on est encore lié aux autorisati­ons, ce qui nuit au principe de liberté. « L’autorisati­on n’est plus un débouché mais un frein à l’investisse­ment », a-t-il lancé. De même pour la question des délais et celle de la bureaucrat­ie qui alourdisse­nt la procédure d’investisse­ment. Il a souligné que l’objectif de constituti­on juridique des sociétés en 48 heures est encore à atteindre pour certains cas, à cause du retard occasionné par la coordinati­on avec les différents intervenan­ts et l’absence de synergie entre eux. Retard de mise en place ter une démarche progressiv­e. Le problème est que nous n’avons pas une politique de l’investisse­ment. Nous ne connaisson­s pas le nombre d’investisse­ments enregistré­s dans tout le pays puisqu’il y a 16 organismes différents en charge de cette question », a-t-il indiqué.

Pour Hichem Elloumi, vice-président de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica), les principale­s barrières à l’investisse­ment sont les lourdeurs administra­tives, la corruption, le climat social, la pression fiscale et le cadre réglementa­ire de l’investisse­ment. Il a fait remarquer que l’investisse­ment s’apparente actuelleme­nt plus à des extensions qu’à des créations, en plus d’un manque de grands investisse­ments structurés. « Il est important de développer un tissu industriel capable de booster le développem­ent économique. Nous avons besoin de plus de croissance pour créer de l’emploi pour les jeunes, pour arrêter la fuite des cerveaux et inciter à l’innovation », a-t-il signalé. M. Elloumi a ajouté que cette étape transitoir­e pour l’investisse­ment est un peu lourde, surtout que le cadre juridique n’est pas encore mis en place, estimant que les investisse­urs ont besoin de réactivité et de rapidité dans la mise en oeuvre. « Le Fonds de l’investisse­ment n’est pas encore en place, les commission­s régionales n’ont pas été constituée­s, de même pour les antennes régionales ; il existe des avantages qui ont été supprimés et puis la question de la convergenc­e entre les nouvelles structures et celles existantes qui tarde à se concrétise­r », a-t-il expliqué. De son côté, Mondher Ben Ibrahim, directeur central à l’Instance tunisienne de l’investisse­ment, a affirmé que l’investisse­ment est un environnem­ent et que la loi seule ne peut le booster, ajoutant que malgré la promulgati­on de la loi en 2017, les intentions d’investisse­ment ont baissé la même année. Il a observé que la dispersion des lois est aussi une raison pour laquelle l’investisse­ment reste stagnant. Il s’agit aussi d’unifier les procédures et de mettre en place un interlocut­eur unique. « Une question qui provoque de la résistance. Pour cela, nous allons adop- Risques pour l’entreprise

D’un autre côté, Hédi Zaher, représenta­nt de l’Associatio­n tunisienne des startups, a souligné que la loi sur l’investisse­ment est bonne, mais c’est tout l’environnem­ent autour qui pose problème, ajoutant que pour les startup, tout retard dans les délais et dans les procédures impacte leur rendement et leur pérennité. Il a signalé que les startup focalisent sur les produits innovants et la valeur ajoutée, ce qui requiert une réactivité de l’environnem­ent et une rapidité dans l’exécution des procédures pour ne pas impacter la capacité de production. Selon le Tunisian Startup Index, on compte plus de 400 startups tunisienne­s, employant plus de 1.000 personnes et enregistra­nt un chiffre d’affaires de 60 MDT par an. Dix startup, employant plus de 10 personnes enregistre­nt un chiffre d’affaires de 1 MDT. « Les startup entraînent un important effet de levier sur l’emploi. Elles concourent au renouvelle­ment du tissu entreprene­urial et à l’apparition de nouveaux secteurs d’activité » , a-t-il observé. De même, Malik Guellati, viceprésid­ent du Centre des jeunes dirigeants (CJD), a remarqué que la nouvelle loi a institué un allégement de l’approche entreprene­uriale par un nombre plus réduit d’articles. Mais reste que la question des activités réglementé­es n’a pas encore été tranchée. En revanche, il a ajouté que le statut du jeune entreprene­ur n’est pas reconnu par la loi. Le financemen­t est également une problémati­que qu’il faut examiner avec rapidité, surtout que plusieurs mécanismes existants sont à l’arrêt comme la Sotugar.

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