Faiblesse de la responsabilité sociétale
La situation des entreprises publiques est assez connue. Un état financier en décadence pour la plupart d’entre elles qui fait qu’elles deviennent un réel fardeau pour l’Etat tunisien. Une situation qui perdure déjà depuis quelques années sans une réelle solution en vue. Ajoutons à cela un climat social de plus en plus tendu qui menace la survie de ces entreprises et leur développement dans l’avenir. Dans cette conjoncture économique difficile, l’Etat est actuellement dans l’incapacité de pallier les pertes des entreprises publiques, mettant en péril ses équilibres financiers fragiles.
Selon la Présidence du gouvernement, les résultats nets cumulés des entreprises publiques sont négatifs à 1116 MDT en 2016 contre +1176 MDT en 2010. La valeur ajoutée de ces entreprises par rapport au PIB a baissé à 9,5% en 2016 contre 13% en 2010. Les pertes cumulées des 50% des entreprises publiques sont estimées à 6500 MDT en 2016 contre 1880 MDT en 2010 sans tenir compte du déficit des caisses sociales. L’augmentation de la masse salariale est l’une des principales raisons des difficultés que connaissent ces entreprises. Elle a atteint 4000 MDT en 2016 contre 2580 MDT en 2010, soit une augmentation de +55% contre une baisse de 1,5% de la valeur ajoutée sur la même période. En fait, on dénombre 217 entreprises publiques qui emploient 190 mille personnes en 2016 contre 94 mille en 2010. Elles englobent 52 sociétés anonymes, 50 établissements publics à caractère non administratifs (Epna) considérés comme entreprises publiques, 24 établissements de santé et 87 autres Epna. D’après Chokri Hassine, Directeur Général du suivi de la productivité des entreprises publiques à la Pré- sidence du Gouvernement, intervenant lors de la conférence de la Conect, le 3 mais 2017, sur l’entreprise publique en Tunisie, l’état dans lequel subsistent les entreprises publiques a trait également à l’absence d’une vision sur le rôle de ces entreprises, de faiblesses aussi bien au niveau de la gouvernance globale du secteur public économique qu’à celui de la gouvernance interne des entreprises publiques, le manque de dialogue social avec la multiplication des grèves. S’y ajoute la responsabilité sociétale lymphatique avec la multiplication des mouvements sociaux, l’augmentation du nombre de salariés économiquement infondée et les augmentations salariales non étudiées.
Insuffisances
L’Etat reste fortement impliqué dans la gestion des entreprises publiques et n’accomplit pas son rôle de stratège. M. Hassine estime que cette intervention couvre des secteurs concurrentiels comme le ciment, la restauration, le tourisme. De même, il existe des faiblesses qui nuisent aux mécanismes du Partenariat Public-Privé (PPP) pour les entreprises concurrentielles, une absence de mécanismes de financement de la responsabilité sociétale des entreprises publiques et l’intervention de l’Etat dans la politique commerciale des entreprises publiques. Il s’agit également de l’absence de critères clairs pour l’octroi des subventions, de l’intervention de l’Etat dans la gestion des Ressources humaines, l’absence d’obligations à la charge de l’Etat en cas d’interventionnisme dans la politique sociale ou commerciale de l’entreprise publique et aussi l’absence de contractualisation entre l’Etat et les entreprises publiques depuis 2011. En revanche, l’Etat n’accomplit pas pleinement son rôle d’actionnaire, puisqu’il y a l’absence d’une définition claire du concept d’entreprise publique ou établissement public ainsi que les critères de sa création, une absence d’objectifs et critères clairs relatifs aux prises de participation et aux cessions des participations de l’Etat. De même, il existe une confusion entre le rôle de l’Etat actionnaire et l’Etat en tant qu’autorité de tutelle. Ceci est dû à l’absence d’une stratégie actionnariale de l’Etat et une restructuration de ces entreprises par une intervention sur le bas de bilan sans recherche de solutions radicales et la complexité des procédures de restructuration. Au niveau de la gouvernance interne des entreprises publiques, on remarque une insuffisance de l’indépendance des conseils d’administration, non-séparation des fonctions de direction et de présidence du Conseil, l’absence de procédures objectives et transparentes pour la nomination et la destitution des premiers responsables et des membres des conseils d’administration, la nongénéralisation des structures de gouvernance à l’ensemble des entreprises et établissements publics et des insuffisances au niveau de la publication des informations financières.
Restructuration
Ajoutons à cela la non-préparation des états financiers des entreprises publiques dans les délais à 85%, la non-généralisation des comités permanents d’audit et des comités de risque, des faiblesses du régime de rémunération des premiers responsables des entreprises et établissements publics et l’absence d’un régime de rémunération motivant pour les membres des comités d’appui aux conseil d’administration. M. Hassine estime aussi qu’il existe des insuffisances au niveau du rôle de l’Etat contrôleur, reflétées par l’absence de critères clairs pour l’évaluation de la performance des entreprises, la prépondérance du concept de légalité de gestion au détriment des concepts d’efficacité et d’efficience, des insuffisances au niveau de la définition des fautes de gestion ainsi que l’absence de sanctions sévères à l’encontre des gestionnaires qui commettent des actes de malversation en rapport avec les deniers publics. On relève également des insuffisances pour le rôle de l’Etat garant de la continuité du service public, soit l’absence d’opération de restructuration financière radicale des entreprises publiques assurant un service public stratégique et des faiblesses dans la réalisation des investissement en infrastructure et services publics stratégiques. Selon M. Hassine, le gouvernement a établi une stratégie pour intervenir sur les différents axes de réforme des entreprises publiques, à savoir la gouvernance globale, la gouvernance interne, la gestion des ressources humaines, dialogue social et responsabilité sociétale et la restructuration financière. Au niveau de ce dernier axe qui fait débat actuellement, on prévoit la révision des procédures de restructuration et création de comités de restructuration au sein des ministères techniques, l’identification des entreprises à restructurer en priorité, l’intervention par le haut du bilan et la détermination des besoins de financement des entreprises publiques qui assurent des services publics stratégiques. Le gouvernement prévoit également de préparer une étude sur la possibilité de créer un fonds national de retournement dédié à la recapitalisation des entreprises opérant dans des secteurs concurrentiels, ainsi que de développer le partenariat entre les entreprises publiques et le secteur privé. On indique que le capital des entreprises publiques sera ouvert aux employés. De même, il sera procédé à une simplification des procédures de restructuration de ces entreprises.