Encore une fois vient se poser le problème de la tempête qui s’abat sur les circuits économiques du pays à l’occasion du mois de Ramadan, et ce, en porte-à-faux avec l’esprit et les préceptes de cette obligation religieuse qui, dans son essence et sa form
Evènement qui ne manquera pas d’occasionner de graves dégâts, surtout au cours de l’actuelle conjoncture économique jugée par tous de très difficile et même de critique. Tous les moteurs de la consommation des biens courants, dont une bonne partie sont importés, tourneront, en effet, à plein régime. Côté productivité, ce sera, hélas encore, plus de déprime. Fièvre acheteuse avec un gaspillage monstre, flambée des prix, spéculation, fraudes de tous genres, prolifération des circuits parallèles, régression d’une productivité déjà à la traîne, hémorragie de devises, etc. Le tout boosté par une hallucinante agressivité commerciale des producteurs et des distributeurs. Une vraie tornade due à nos comportements collectifs, nous autres Tunisiens, incapables comme nous le sommes de contrôler le flux et la structure de nos dépenses et de remettre en question nos mauvaises habitudes au cours du mois saint. Tempête qui s’étend au-delà de Ramadan avec la semaine de l’Aïd et aussi les dépenses de santé dues aux excès et à l’anarchie alimentaire et au dérèglement du sommeil chez une bonne majorité de la population, déjà minée par la pollution, les allergies et les maladies chroniques ou non liées au régime alimentaire. Une situation qui fait que notre modèle de consommation, déjà catastrophique, devienne encore plus dangereux que d’habitude pour ne pas dire suicidaire. Surtout avec cette passivité dont ont toujours fait preuve les pouvoirs publics qui ne font que gérer l’offre, jamais la demande, quitte à ce qu’ils sortent l’arme à double tranchant de l’importation. Avec 30% d’augmentation de la consommation alimentaire par rapport au reste de l’année, la planète Ramadan et son satellite l’Aïd restent donc les champions du délestage des bourses et aussi des fraudes et des dépassements de tous genres et des risques qu’ils font courir aux consommateurs. Traduire, surgaspillage et surendettement des ménages. A cela vient s’ajouter la fièvre de la Omra (petit pèlerinage d’au moins une quinzaine de jours avec shopping) et cette nouvelle mode qui consiste à aller passer une semaine de Ramadan, au Caire ou à Istanbul et c’est une seconde hémorragie de devises. Et pour l’Aïd, il ne faudrait pas oublier gâteaux, habillement, chaussures, jouets, déplacements, etc. Nous avons plusieurs fois, sur ces mêmes colonnes, entre autres, soulevé le problème du gaspillage alimentaire révoltant et à double niveau dont les Tunisiens sont les auteurs tout au long des onze autres mois de l’année, que dire alors de celui enregistré au cours du mois saint. Rappelons que le gaspillage alimentaire est, en Tunisie, comme d’ailleurs dans plusieurs autres pays à double niveau. Le Tunisien achète plus qu’il ne consomme réellement (le reste est donc jeté à la poubelle) et consomme plus qu’il n’en faut, surtout en ce qui concerne les sucres et les matières grasses d’origine animale, réputées néfastes pour la santé (sauf les graisses provenant des poissons bleus). Il s’agit d’un cercle vicieux qui nous coûte directement et indirectement cher et qui freine notre développement. Un bourbier dans lequel s’enfonce le pays encore plus à l’occasion du mois saint et face auquel les pouvoirs publics sont réellement impuissants. Une conférence nationale doit être organisée en vue de parer à tous ces dangers. Elle permettra, entre autres, de mettre au point une stratégie capable d’extraire le pays des griffes de l’actuel modèle de consommation, condition sine qua non pour l’instauration tant attendue d’un nouveau modèle de développement qui devra être durable, global et inclusif.