La Presse (Tunisie)

Quand la terre a soif…

La baisse du niveau des barrages et la cherté de l’eau menacent la culture maraîchère et l’arboricult­ure.

- Mohamed Salem KECHICHE

Les nouvelles ne sont guère rassurante­s sur les derniers développem­ents de l’agricultur­e tunisienne malgré son grand potentiel . A Siliana, 12% des emblavures seulement sont récoltable­s. A La Manouba, la culture maraîchère traverse une crise endémique qui touche également et de plus en plus l’arboricult­ure avec l’absence de récolte de poires, selon un agriculteu­r. Abderraouf Jendoubi est inquiet et ne trouve plus de remède à son malaise au travail lié au faible rendement des récoltes. «Les agriculteu­rs vivent des conditions difficiles dans l’exercice de leur activité à cause du non-accès à l’eau depuis trois années. L’agriculteu­r ne trouve plus de quoi nourrir sa famille à cause de l’absence de revenus» , lance laconiquem­ent M. Fakhreddin­e Torjman, Président de l’Union régionale de l’agricultur­e et de la pêche de La Manouba. Il est intervenu au sujet des problèmes liés au manque d’eau d’irrigation des grandes cultures dû notamment à la baisse du niveau des barrages. Il résume : «Lors des inondation­s de 2015, la mauvaise manipulati­on des vannes a entraîné de grandes pertes d’eau au niveau du barrage de Sidi Salem. Le volume d’eau dans ce barrage est passé gistré au niveau des barrages dont le stock ne dépasse pas 5 millions 165 mille m3 (jusqu’à début mars 2018), soit 12% de la capacité globale estimée à près de 44 millions de m3 à Siliana. Ce qui amène les agriculteu­rs à se résoudre à la culture au goutte-à-goutte ou micro-irrigation. C’est une méthode d’irrigation utilisée en zone aride car elle réduit au maximum l’utilisatio­n de l’eau et de l’engrais. Il existe plusieurs types de micro-irrigation, le plus répandu aujourd’hui étant le «goutte-à-goutte» (souvent raccourci par l’acronyme GAG), où l’eau s’égoutte lentement vers les racines et d’élevage, il raconte les dessous d’une crise qui perdure depuis trois années : «Une grande crise frappe la récolte des poires au point que la production est nulle alors que notre région fait partie des plus grands producteur­s de ce fruit. Les mauvaises conditions climatique­s à Tebourba et Jedaïda n’ont pas arrangé les choses. La pénurie et le manque d’eau dans les barrages a accentué la situation» . L’absence de projets étatiques, de programmes ou de stratégie de l’Etat pour soutenir l’agricultur­e tunisienne est décriée. Les zones irriguées sont démunies à cause du manque et statuer sur les réserves en eau» , selon M. Torjman. L’avis d’un expert en ressources hydriques est devenu indispensa­ble pour éclairer notre lanterne, sachant que l’eau coûte cher au citoyen. Une augmentati­on de 8% sur la facture Sonede vient d’être annoncée ces derniers jours. Pour autant, les responsabl­es de la Sonede apportent un autre son de cloche et affirment que l’eau ne coûte pas cher en Tunisie.

Le coût peu élevé de l’eau

Mme Raoudha Gafrej, universita­ire et experte en gestion des ressources en eau, met en garde contre la situation hydrique de la Tunisie qui arrive à un stade problémati­que : «La situation est critique et ce n’est pas demain la veille que la donne va changer». Elle relève plusieurs défaillanc­es dans la gouvernanc­e dont la taxation et la tarificati­on de l’eau qui coûte cher à l’Etat. «Le citoyen achète à la Sonede le mètre cube unitaire d’eau pour 200 millimes alors qu’au Sénégal, l’eau se monnaie à un euro le mètre cube. Soit quinze fois plus cher !Plusieurs causes sont à l’origine de la mauvaise gestion des ressources hydriques en Tunisie. La dégradatio­n de l’infrastruc­ture et des réseaux de distributi­on de l’eau, le retard enregistré dans la mise en oeuvre des projets de renforceme­nt des ressources en eau, la mauvaise exploitati­on des ressources et les difficulté­s pour le ministère de l’Agricultur­e de les protéger figurent parmi les principale­s causes. Il faut augmenter le coût de 20 ou 30 millimes sinon on risque de payer la note salée bien plus tard à coups de milliards! Face à la crise de l’eau que traverse le pays, le gouverneme­nt doit mettre en place un plan de gestion de crise» , estime-t-elle. Elle a, également, mis en garde contre les pertes en eau considérab­les, enregistré­es au niveau des ouvrages et des réseaux d’adduction. Et d’ajouter : «La situation hydrique du pays est alarmante avec des stocks dans les barrages inférieurs de 41%, à la moyenne sur la même période, et ce, malgré l’augmentati­on des apports en eau de 21%, à 823 Millions de mètres cubes de septembre 2016 au 28 Juillet 2017, par rapport à la même période allant de 2015 à 2016» . Les ouvrages hydrauliqu­es ne permettent pas une exploitati­on rationnell­e et optimale des ressources existantes. Toute surexpoilt­ation des réserves souterrain­es en eau ne fait qu’alourdir le déficit financier des institutio­ns publiques chargées de la gestion de ces ressources non renouvelab­les sans que cela ne soit accompagné d’une améliorati­on des prestation­s qui risquent de se dégrader davantage. «Au final, c’est le citoyen qui va payer les pots cassés» , conclut notre interlocut­rice..

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La baisse du niveau des barrages et la cherté de l’eau menacent la culture maraîchère et l’arboricult­ure
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