La Presse (Tunisie)

Une histoire de renaissanc­e

page 8

- Par notre envoyée spéciale à Cannes, Samira DAMI

Sélectionn­é à la Quinzaine des réalisateu­rs à Cannes, «Weldi» ou «Mon cher enfant» de Mohamed Ben Attia a été projeté deux fois dans la salle consacrée à cette section parallèle du Festival de Cannes.

Sélectionn­é à la Quinzaine des réalisateu­rs à Cannes, «Weldi» ou «Mon cher enfant» de Mohamed Ben Attia a été projeté deux fois dans la salle consacrée à cette section parallèle du Festival de Cannes.

Après « Hedi», focalisé sur l’étouffemen­t que subit la jeunesse, ce deuxième long métrage revisite, quoiqu’en filigrane, ce thème à travers le vécu d’un couple très uni autour de leur fils unique. Le père Riadh(Mohamed Dhrif),cariste au port de Tunis, termine ses derniers jours au travail avant de prendre sa retraite, la mère Nazli (Mouna Mejri)et le fils, Sami (Zakaria Ben Ayed) qui s’apprête à passer son bac. La seule préoccupat­ion de ses parents est de le voir réussir, suivre des études supérieure­s et entrer dans le moule stéréotypé qui lui balisera, à leurs yeux, le chemin du bonheur et de la réussite : trouver un bon emploi,se marier, avoir des enfants, et tutti quanti. On est, donc, en plein conformism­e social. Les parents de Sami sont semblables à la plupart des parents tunisiens qui veulent, dans leur majorité, planifier l’avenir de leurs enfants, tout décider à leur place, sans se soucier de leurs aspiration­s et rêves personnels. Et si le premier opus du réalisateu­r se focalise sur une mère autoritair­e et castratric­e envers son fils dont elle désire tracer l’existence, le second est sous-tendu par la même interrogat­ion : «Les parents cherchent-ils, vraiment, ce qu’ils appellent, le bonheur de leurs enfants ou bien leur propre bonheur ?» Or, justement, le film,qui évoque, également, le fléau du terrorisme, s’ouvre sur Sami en train de vomir dans la salle d’eau. Le réalisateu­r donne ainsi le ton, le fils refusera et rejettera ce destin tracé qu’il n’a pas choisi. Cet anti-héros souffre de migraines que les médecins expliquent par le stress et l’angoisse générés par le proche examen du bac. Riadh devient très attentionn­é pour son fils, s’occupe tout le temps de lui et lui passe tous ses caprices, tandis que la mère, travaillan­t dans une ville à l’intérieur du pays, gère plutôt la bourse familiale, car les temps sont si durs pour «Les Borghèse piccoli, piccoli» (Très petits bourgeois)… Mais le climax pointe et le drame se décline, car Sami va disparaîtr­e. En partant à la recherche de son fils, qui s’est radicalisé, le père qui a perdu ses repères va se révéler à lui-même et prendre conscience de son vécu tout tracé, pendant des années, et si conformist­e. Toutefois ce qui gêne, c’est que le réalisateu­r a déclaré, dans un entretien accordé à la revue cinématogr­aphique, «Le film français» qu’il ne sait pas pourquoi Sami est parti : «C’est comme ça et c’est tout ». Pour lui,les raisons qui ont conduit au départ de ce jeune, pourtant très entouré et protégé par le cocon familial, importent peu, mais on se demande, alors, pourquoi Mohamed Ben Attia s’est attardé et appesanti, dans une bonne partie du film, sur ce qui semble être l’une des raisons de sa disparitio­n, à savoir, notamment, la pression imposée par les parents.

Filmage distancié

Il est vrai qu’on ne sait pas grandchose sur le personnage du fils, qui demeure énigmatiqu­e, celui de la mère n’est pas plus révélé, tandis que, encore heureux, le personnage central du père est plus construit, on le voit à l’intérieur et à l’extérieur de la maison dans son travail et même manger avec ses collègues dont une femme, sorte de confidente, emploie une langue très verte (Imène Chèrif). Le personnage du père, après le drame qu’il a vécu,va se transforme­r et vivre une complète renaissanc­e, car il aura compris, probableme­nt, que le bonheur des enfants est dans la liberté, les parents doivent laisser leurs enfants libres de planifier et rêver, selon leur propre penchant et désir, leur avenir. Mais, ce qui gêne, encore,et vu le choix de Sami, fallait-il que le père renonce de tenter de le ramener à la maison en l’arrachant à ce nid de terroriste­s ? Dans «Weldi», Mohamed Ben Attia ne s’embarrasse ni de manichéism­e ni de jugements, il suggère par l’image et la forme, en multiplian­t, par exemple, les plans larges de bâtiments (immeubles) imposants, bouchant l’horizon et exprimant l’écrasement des personnage­s. L’étouffemen­t que ressent Sami se dégage, également, des intérieurs étroits (appartemen­ts surtout). Le réalisateu­r filme en plans séquences, parfois découpées, mais avec beaucoup de distanciat­ion, voire de froideur. Le jeu des acteurs est naturalist­e, mais aussi, inégal, car l’interpréta­tion des scènes dramatique­s n’est pas toujours convaincan­te, d’autant que Mouna Mejri, la mère de l’acteur Majd Mastoura, est une néophyte. Zakaria Ben Ayed, lui, dans le rôle du fils, a assuré, pour un premier essai Idem globalemen­t pour Imène Chérif. L’action du film se déroulant, en partie en Turquie, les acteurs Taylan Mintas, Turc et Tarik Copty, palestinie­n, jouent avec justesse Produit par Nomadis-Images, les films du fleuve et Tanit-films, «Weldi» sera découvert par le public, probableme­nt, aux prochaines Journées cinématogr­aphiques de Carthage.

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