La Presse (Tunisie)

Et la caissière paya pour elle !

- Foued ALLANI

Son visage devint subitement tout rouge et la jeune femme éclata en sanglots. C’était mercredi vers midi, la veille de l’avènement du mois saint devant la caisse d’une grande surface de la banlieue de Tunis. Ce jour-là tous les rayons de l’alimentati­on étaient pris d’assaut et il y avait de longues files devant les caisses. La scène était réellement émouvante. La jeune femme en question, dont la condition paraissait très modeste, avait acheté plusieurs articles de première nécessité. Le total s’éleva à 23 dinars et des dizaines de millimes. Mais la jeune femme n’avait que vingt dinars seulement. Son premier réflexe fut de retirer quelques articles, mais chose inattendue, la caissière sortit de son porte-monnaie la différence et demanda à sa cliente de garder les articles dont elle voulait se séparer. Et c’est ainsi que le visage de la cliente devint tout rouge et qu’elle éclata en sanglots. Une vieille dame, juste derrière elle, l’aida à emporter ses achats car dans la file d’attente l’on commença à manifester son impatience. La jeune femme se dirigea vers la sortie en pleurant à chaudes larmes et une autre vieille dame près de la sortie prit l’initiative de la consoler. « J’étais totalement confuse, disait la jeune femme, toujours sous l’effet de l’émotion, je n’ai pas apprécié le fait que la caissière payât pour moi, même si je suis dans le besoin, je voulais juste alléger mes achats ».

Après un moment, la jeune femme quitta les lieux. Et pour nous de chercher à mieux comprendre les dessous de la scène. La vieille dame nous apprit alors que son interlocut­rice n’avait que ces 20 dinars pour affronter le commenceme­nt du mois de Ramadan et que son mari s’en foutait royalement. « Comment vais-je faire pour préparer à manger à mes trois enfants, lui a-t-elle dit. Monsieur ne veut pas nous donner de quoi nous nourrir et moi, je suis fatiguée de travailler dur comme aideménagè­re alors que lui dilapide tout ce qu’il gagne à se soûler et cela depuis des années ?» . Pire, nous expliqua alors la vieille dame : « A l’approche du mois saint, et quand sa femme lui demanda de l’aider à subvenir aux besoins de leurs enfants, il ne trouva rien de mieux que de lui recommande­r d’aller avec les enfants passer le Ramadan chez ses parents à elle ».

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia