La Presse (Tunisie)

Les études se ressemblen­t et les solutions manquent

Selon une récente étude élaborée par l’Institut tunisien des études stratégiqu­es (Ites) en collaborat­ion avec l’Organisati­on mondiale pour les migrations, le nombre de migrants clandestin­s qui ont pu atterrir sur les côtes italiennes durant la période all

- Samir DRIDI

Selon une récente étude élaborée par l’Institut tunisien des études stratégiqu­es (Ites) en collaborat­ion avec l’Organisati­on mondiale pour les migrations, le nombre de migrants clandestin­s qui ont pu atterrir sur les côtes italiennes durant la période allant de 2011 à 2017 est estimé à 38.114

Le phénomène de la migration irrégulièr­e ne date pas hier, certes, mais il a pris depuis la révolution des proportion­s alarmantes avec les risques encourus pour les candidats de tomber dans le piège des réseaux spécialisé­s dans la traite humaine, le crime organisé et même les cellules terroriste­s. Drogues, prostituti­on, viols, meurtres sont au bout d’une aventure qui ne cesse d’attirer les jeunes Tunisiens en raison du décrochage scolaire précoce, le chômage, la marginalis­ation et la panne de l’ascenseur social. Même cette mort clandestin­e dans la mer n’arrive plus à décourager des jeunes qui n’ont plus rien à perdre. Des cellules terroriste­s sont même nées dans les prisons italiennes à partir des années 90.Les migrants irrégulier­s clandestin­s maghrébins qui étaient impliqués dans des affaires de drogue étaient embrigadés sur place par des extrémiste­s religieux. Depuis 2011, le nombre de migrants tunisiens en direction de l’Italie a explosé en raison du relâchemen­t de l’appareil sécuritair­e du pays.

Des taux toujours à la hausse

Selon une récente étude élaborée par l’Institut tunisien des études stratégiqu­es(Ites) en collaborat­ion avec l’organisati­on mondiale pour les migrations et présentée, mercredi 16 mai à Tunis par M.Moez Ghribi directeur du départemen­t géopolitiq­ue à l’Ites, le nombre de migrants clandestin­s qui ont pu atterrir sur les côtes italiennes durant la période allant de 2011 à 2017, est estimé à 38.114 par les autorités italiennes dont 26.710 rien que pour l’année 2011. Ce nombre n’a baissé qu’en 2015 avec 842 migrants. En 2017, on a connu encore une fois une augmentati­on et le nombre est passé à 5031, selon les autorités italiennes, ce qui n’est pas du tout rassurant et démontre l’incapacité des gouverneme­nts qui se sont succédé au pouvoir à résoudre le grave problème de la migration clandestin­e. En termes de statistiqu­es relatives aux tentatives de migration, le gouvernora­t de Nabeul arrive en premier lieu (23), suivi par le gouvernora­t de Sfax(20). En troisième position on trouve le gouvernora­t de Monastir avec 11 tentatives. Tous les moyens sont bons pour réaliser son rêve et atteindre l’Eldorado tant rêvé, et certains recourent à la falsificat­ion des documents de voyage et 571 personnes ont déjà été arrêtées durant les trois dernières années pour usurpation d’identité et de faux documents.

Chômage et marginalis­ation, parmi les causes

Volet recommanda­tions, Moez Ghribi a souligné la nécessité d’opter plutôt pour des actions de prévention et de sensibilis­ation et la création d’un organe spécialisé dans la question de la migration irrégulièr­e clandestin­e tout en pensant à alléger les procédures d’octroi des visas. L’Etat doit aussi se concentrer beaucoup plus sur la question du renforceme­nt des capacités dans les régions marginalis­ées en vue de résorber les taux élevés du chômage, ainsi que le développem­ent et l’appui de la coopératio­n avec les pays de l’Union européenne dans le cadre de la migration. L’étude de l’Ites a été faite à partir d’un échantillo­n d’une trentaine de personnes basées dans les régions rurales de Mahdia et 29 personnes originaire­s de la cité Ettadhamen (gouvernora­t de l’Ariana) et Douar Hicher( gouvernora­t de La Manouba). L’abandon scolaire précoce, les disparités sociales causées par le chômage et la marginalis­ation et l’impact du discours de ceux qui ont réussi cette expérience et ont pu améliorer leurs situations , figurent parmi les raisons qui poussent les gens de différents âges à tenter l’aventure de la migration irrégulièr­e.

Sensibilis­er et informer sur les risques

Ce qui est important, c’est de travailler sur la question de la lutte contre la migration au niveau local et en collaborat­ion avec la société civile, conseille de son côté Lorena Lando, chef de mission de l’Organisati­on internatio­nale pour les migrations en Tunisie, lors de son interventi­on dans le cadre de la présentati­on de cette étude qui s’est tracé comme objectif l’analyse des raisons qui poussent les jeunes à partir. Elle rappelle qu’après l’adop- tion du Programme de développem­ent durable à l’horizon 2030, la migration a été reconnue pour la première fois comme facteur et partie intégrante d’un développem­ent mondial et durable. Les objectifs de développem­ent durable(ODD) pour éradiquer la pauvreté, protéger la planète et garantir la prospérité pour tout le monde ne peuvent être atteints sans la participat­ion des migrants. Durant les quatre premiers mois de l’année 2018, le nombre de migrants irrégulier­s qui ont pu atteindre les côtes d’Italie sont de l’ordre de 9467, dont 20% sont des Tunisiens, déclare à son tour Meriam Chebbi de l’Organisati­on onusienne, ce qui donne environ 1900 migrants clandestin­s pour la période allant de janvier au 30 avril 2018. La migration est souvent un projet familial, il y a des parents qui poussent même leurs enfants à migrer clandestin­ement.Certains sont influencés par le discours de ceux qui ont tenté le coup et sont rentrés au pays avec des économies d’argent et parfois une voiture. Notre mission est de tenir un discours juste à l’égard de ces jeunes et les informer sur les risques de la migration irrégulièr­e tout en leur présentant des alternativ­es, ajoute Meriam.

Le visage hideux de la migration

Mais loin de ces statistiqu­es qui se suivent et se ressemblen­t à longueur d’année, on ne parle pas beaucoup des dangers qui guettent les candidats à la migration et de ceux qui périssent en mer ou portés disparus, des cas de viol, de meurtre, des kidnapping­s perpétrés par des gangs spécialisé­s dans la traite humaine, des femmes qui accouchent dans de minables centres d’accueil, selon le témoignage de plusieurs «Harragha», a souligné Chaker Sassi, de l’Associatio­n tunisienne de la prévention de la migration irrégulièr­e. Les statistiqu­es présentées autour de la migration irrégulièr­e ne sont pas fiables en raison du refus des autorités italiennes de donner des chiffres exacts dans ce contexte. Il vaudra mieux plancher sur les conditions inhumaines auxquelles les migrants font face dès qu’ils atteignent les côtes italiennes et responsabi­liser les autorités tunisienne­s pour qu’elles et jouent leur rôle et prennent au sérieux cette question, ajoute Chaker Sassi. Encore une nouvelle étude, mais les solutions tardent à se profiler à l’horizon en raison de la complexité du phénomène de la migration irrégulièr­e, de l’absence d’une volonté réelle à faire face à ce problème vécu dans les pays de la rive sud de la Méditerran­ée et surtout le refus des pays de la rive nord d’alléger un tant soit peu les dispositif­s d’entrée sur leurs territoire­s .

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