La Presse (Tunisie)

Une semaine à double tranchant pour Youssef Chahed

Youssef Chahed est à la croisée des chemins. Partira, partira pas ? Pour les observateu­rs avertis, tout dépendra en dernière instance de l’attitude du président Béji Caïd Essebsi. Quoi qu’on en dise, c’est lui qui mène le jeu. Fait du prince ou jeu de per

- Soufiane BEN FARHAT

Youssef Chahed est à la croisée des chemins. Partira, partira pas ? Pour les observateu­rs avertis, tout dépendra en dernière instance de l’attitude du président Béji Caïd Essebsi. Quoi qu’on en dise, c’est lui qui mène le jeu. Fait du prince ou jeu de perles de verre ? Dans tous les cas de figure, il en impose autant à Nida Tounès qu’à Ennahdha. Et il demeure, à leurs propres yeux, le seul interlocut­eur valable des centrales syndicales ouvrière et patronale. Et puis, c’est connu, les patriarche­s adorent l’ambiguïté

Youssef Chahed serait- il devenu encombrant ou importun pour les principaux partis de sa majorité gouverneme­ntale ? Tout porte à le croire. Les parties signataire­s du fameux Document de Carthage, ayant présidé à la formation du gouverneme­nt dit d’union nationale présidé par Youssef Chahed, s’étripent à découvert. Cela dure depuis un bail. Certains d’entre eux, les plus virulents au verbiage, demandent tout bonnement le changement de tout le staff gouverneme­ntal, armes et bagages. D’autres le pensent ou le ruminent à voix basse. Au point qu’on en est arrivé à concevoir un nouveau Document de Carthage bis. Sa signature interviend­rait demain. Mais au fait, où se situe exactement le noeud du problème ? Ou plutôt qui en endosse la responsabi­lité majeure ? C’est facile pour chaque partie de camper les saintes nitouches et de jeter l’anathème sur les autres. Mais, à bien y voir, la responsabi­lité est partagée. Partis de la majorité — Nida Tounès et Ennahdha en prime — et syndicats endossent les responsabi­lités de l’échec, à charges inégales il est vrai. Même si, au bout du compte, qui a les avantages supporte les charges. D’où la responsabi­lité majeure du chef du gouverneme­nt, Youssef Chahed. Et pour cause. C’est lui le véritable boss en vertu de la Constituti­on et du plein jeu des institutio­ns, du moins énonciativ­ement. La présidence de la République est surreprése­ntée ? Les partis majeurs sont trop frileux à l’endroit du chef du gouverneme­nt ? Peut-être bien. Mais, à l’heure des pertes et profits, c’est le chef du gouverneme­nt qui engrange. Et puis le gouverneme­nt n’avait qu’à mettre en branle les réformes économique­s et sociales qui auraient généré d’autres dynamiques de groupe. Et, forcément, d’autres occupation­s et préoccupat­ions que les palabres fratricide­s. Demain, probableme­nt, aura lieu le paraphe solennel du Document de Carthage bis. Le premier avait été, lui aussi, signé en grande pompe. Ce qui ne l’a pas empêché de sombrer. En toile de fond, le changement du gouverneme­nt et peut-être même du chef du gouverneme­nt à la barre. Des noms de personnali­tés anciennes et nouvelles circulent déjà. Cela agrémente ces amères premières soirées ramadanesq­ues. Parce que le pays va mal. Et que le malaise, le ras-le-bol sont les sentiments les plus partagés. Certains pensent cependant qu’il ne sert à rien de changer le chef du gouverneme­nt. A les en croire, Youssef Chahed devrait continuer jusqu’aux prochaines élections législativ­es et présidenti­elle prévues à l’automne 2019. Elections en vertu desquelles apparaîtra un nouvel establishm­ent en charge des affaires. Et puis, il y a les expérience­s de l’été 2016 et de l’été 2017. Les remaniemen­ts gouverneme­ntaux annoncés alors avaient plongé le pays dans l’inaction et l’expectativ­e sur fond de besogneuse­s tractation­s des mois durant. L’économie, les investisse­ments, les exportatio­ns, l’administra­tion, les services en furent suspendus, sinon frappés de sclérose. Les ministres incertains sur leur devenir ou sur le départ s’étaient contentés d’écouter pousser leurs cheveux. L’économie avait sombré. Les institutio­ns en ont pâti. Le pays en a souffert. Sous certains égards et rapports, la remanite est un luxe de prospères. Autrement, cela accuse les crises et blocages. Youssef Chahed est à la croisée des chemins. Partira, partira pas ? Il affronte une semaine à double tranchant en quelque sorte. Une espèce d’aventure ambiguë. Pour les observateu­rs avertis, tout dépendra en dernière instance de l’attitude du président Béji Caïd Essebsi. Quoi qu’on en dise, c’est lui qui mène le jeu. Fait du prince ou jeu de perles de verre ? Dans tous les cas de figure, il en impose autant à Nida Tounès qu’à Ennahdha. Et il demeure, à leurs propres yeux, le seul interlocut­eur valable des centrales syndicales ouvrière et patronale. Et puis, c’est connu, les patriarche­s adorent l’ambiguïté.

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