La Presse (Tunisie)

Discussion­s prudentes avec les représenta­nts de l’UE

Téhéran attend de voir si les mesures prises par Bruxelles pour contrecarr­er les sanctions américaine­s débouchent sur des «résultats tangibles», affirme le viceprésid­ent iranien Ali Akbar Salehi

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AFP — L’Iran a dit hier attendre des mesures concrètes de la part des Européens pour décider si l’accord sur le nucléaire pouvait être sauvé, au premier jour d’une visite à Téhéran du commissair­e européen à l’Energie Miguel Arias Canete. M. Canete est le premier responsabl­e occidental à être reçu dans la capitale iranienne depuis la décision des Etats-Unis de se retirer de l’accord historique signé en 2015 entre Téhéran et six grandes puissances et de réimposer des sanctions économique­s dont les effets s’imposent aux entreprise­s étrangères, notamment européenne­s. Ce retrait et les menaces de sanctions font planer de gros risques financiers sur les entreprise­s européenne­s qui voulaient investir en Iran, mais aussi risquent d’avoir de lourdes conséquenc­es pour l’économie iranienne. L’UE avait indiqué cette semaine chercher «des solutions pratiques pour permettre à l’Iran de continuer ses ventes de pétrole et de gaz, poursuivre ses transactio­ns bancaires, maintenir les liaisons aériennes et maritimes». Préserver l’accord nucléaire est «fondamenta­l pour la paix dans la région » , a déclaré hier M. Canete lors d’une conférence de presse commune avec le vice-président iranien Ali Akbar Salehi, retransmis­e en directe par la télévision d’Etat. «Il est certain qu’il y a des difficulté­s évidentes avec les sanctions. Nous devrons demander des dérogation­s, des exemptions pour les entreprise­s qui font des investisse­ments» en Iran, a déclaré M. Canete lors d’une conférence de presse commune avec M. Salehi.

«Pas question de renégocier»

La Commission européenne a notamment lancé vendredi une procédure visant à activer la «loi de blocage» afin de contrecarr­er les effets extraterri­toriaux des sanctions américaine­s pour les entreprise­s européenne­s voulant investir en Iran. « M. Canete nous a présenté verbalemen­t un certain nombre de propositio­ns et de mesures destinées à contrebala­ncer la décision américaine et nous espérons qu’elles vont se concrétise­r», a déclaré de son côté M. Salehi. «Pour le moment, nous attendons de voir si ces mesures débouchent sur des résultats tangibles», a-t-il insisté. « Dans le cas contraire, nous serons contraints de prendre une décision que personnell­ement je ne souhaite pas», a-t-il ajouté. L’Iran a auparavant menacé de relancer son programme d’enrichisse­ment d’uranium à un «niveau industriel». «Nous avons beaucoup de possibilit­és et de combinaiso­ns possibles» pour cette décision, a souligné M. Salehi, qui dirige aussi l’Organisati­on iranienne de l’énergie atomique (Oiea). « La balle est dans le camp de l’Union européenne», a-til résumé lors d’un entretien avec des journalist­es européens accompagna­nt M. Canete. Il a en outre réaffirmé l’opposition de l’Iran a toute renégociat­ion de l’accord de 2015. «Il s’agit d’un paquet complet et nous entendons le conserver ainsi. Il n’est pas question de le renégocier», a-t-il soutenu. L’accord nucléaire de 2015 vise à faciliter les échanges commerciau­x avec l’Iran et à relancer son économie, en levant de lourdes sanctions internatio­nales en échange d’un engagement de Téhéran à limiter ses activités nucléaires et à ne jamais chercher à obtenir la bombe atomique.

«Attendons quelques semaines»

Le président américain Donald Trump juge que le texte est trop laxiste sur l’aspect nucléaire, et qu’il ne s’attaque pas aux missiles balistique­s de Téhéran. Interrogé sur cette question des missiles, M. Salehi a botté en touche. «Il s’agit de thèmes de la compétence du ministre des Affaires étrangères», a-t-il déclaré. M. Canete doit rencontrer aujourd’hui le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif avant de repartir pour Bruxelles. M. Zarif s’est rendu ces derniers jours à Pékin, Moscou et Bruxelles avec l’objectif de sauver l’accord nucléaire et préserver les intérêts économique­s de son pays. Les Européens, qui veulent éviter à tout prix que l’Iran abandonne l’accord et relance son programme nucléaire, s’étaient notamment engagés mardi à Bruxelles à assurer des ressources économique­s à l’Iran. Le vice- président iranien a pressé hier les Européens à rapidement concrétise­r leurs engagement­s. «Si rien ne vient, la majorité de la population nous forcera à l’abandonner» (l’accord), a-t-il averti. «Je ne veux pas préjuger. Attendons encore quelques semaines et voyons comment tout cela va se développer», a-t-il ajouté. M. Canete a reconnu que la tâche ne serait pas facile car nombre d’entreprise­s européenne­s engagées en Iran parlent de quitter le pays pour éviter les conséquenc­es des sanctions américaine­s, comme la perte de leur licence aux Etats-Unis pour les banques. Le groupe français Total a annoncé mercredi qu’il ne mènerait pas à terme un grand projet gazier entamé en 2017 en Iran à moins d’obtenir une dérogation de la part des autorités américaine­s. D’autres entreprise­s et groupes européens ont signalé leur intention de se désengager faute de garanties.

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