Où va-t-on ?
LA VIOLENCE S’EMPARE DE L’ESPACE PUBLIC
La violence semble être, plus que jamais, banalisée. Comme si tout convergeait, en fait, vers une intégration inconsciente — ou voulue — de ce comportement pathologique.
L’ampleur que ne cesse de prendre la violence dans la société tunisienne atterre et préoccupe la société civile investie dans l’observation, l’analyse et la prévention des phénomènes sociaux à haut risque. La violence, dans son sens large, mais aussi par ses différentes et multiples formes, s’empare de l’espace public, des institutions censées être les temples des valeurs sûres et jusque dans l’environnement familial, restreint soit-il ou élargi. Chaque mois, de nombreux crimes sont recensés par l’Observatoire social tunisien (OST), relevant du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (Ftdes) et ce, dans le cadre des rapports mensuels sur les mouvements de protestations et de revendications socioéconomiques. Des crimes qui oscillent entre des meurtres, des agressions physiques, des abus sexuels sur des catégories vulnérables et des violences verbales, morales et symboliques, lesquelles sont, au vu et au su de tous, monnaie courante.
L’école de la violence !
Lors d’une conférence de presse tenue, récemment, par le Ftdes, M. Abdelsattar Sahbani, sociologue et président de l’OST, tire la sonnette d’alarme pour avertir l’opinion publique, les décideurs, les responsables des parties et des secteurs concernés sur l’évolution alarmante de la violence. « Les établissements scolaires, ceux de santé publique ainsi que les espaces sportifs sont devenus, indéniablement, les théâtres de la violence par excellence. Pourtant, ces espaces sont censés être des espaces de non-violence. L’institution éducative s’est métamorphosée en un site d’agression dont les protagonistes ne sont autres que les enseignants, les parents et les élèves », indique-t-il. Selon le rapport des mouvements de protestations relatifs à mars 2018, l’on note, non sans effarement, des tentatives d’incendie d’une salle d’enseignants ainsi que des menaces opérées par un élève sur ses enseignants, une arme blanche à la main. L’autre revers de la médaille est tout aussi alar- mant : la protection des élèves fait souvent défaut dans l’environnement scolaire. En avril 2018, des lycéennes se sont fait injecter des solutions inconnues par des individus devant le lycée. L’OST observe aussi le meurtre prémédité d’un élève au seuil de son collège…
L’espace virtuel : communication ou agression fortuite ?
En effet, sur une échelle de classement estimatif, allant de 0 à 6, la violence éducative préserve le troisième degré d’intensité. Son degré de gravité est estimé au quatrième niveau sur une échelle maximale de 5, rivalisant ainsi avec l’espace virtuel. Ce dernier semble être de plus en plus délesté de sa vocation d’espace de communication pour se transformer en un espace d’échange d’injures, de mots déplacés, de moquerie, d’intolérance et de déchaînement aberrant. Encore faut-il souligner que l’espace virtuel et la violence qu’il véhicule offense significativement la famille tunisienne vu qu’il s’y introduit sans contrôle ni supervision. Par ailleurs, la violence sécuritaire frôle les 24 cas observés en avril 2018. Là encore, le dialogue de sourds établi entre le gouvernement et les protestataires se trouve, à chaque fois, suspendu par la force ; une tactique qui n’apporte, pourtant, aucune solution tangible et salutaire aux problèmes évoqués. La violence relationnelle et autre sociale continue à occuper des niveaux élevés sur l’échelle des cas recensés, soit 20 cas en un mois pour chacune. « Il faut comprendre que la violence exercée dans le milieu familial et dans l’environnement social restreint représente l’origine de toutes les formes de violences observées », prévient le sociologue. Les stades et les espaces sportifs traduisent, eux aussi, l’ampleur que prend la violence dans notre société. A chaque match de football, d’importantes mesures de sécurité sont prises anticipant ainsi sur le chaos. Un jeune supporter a été victime de l’abus du pouvoir et a péri à quelques centaines de mètres du stade.
L’enfance abusée
D’un autre côté, la violence et l’abus sexuel sur les catégories vulnérables, notamment les nourrissons, les enfants, les personnes en situation de handicap, les personnes âgées et les femmes ne cessent de choquer l’opinion publique sans pour autant qu’il y ait recours à des mesures dissuasives efficientes ni à des punitions adaptées aux horreurs observées. Selon le rapport relatif à mars 2018, l’on recense dans une école de non-voyants un cas de violence exercé par une éducatrice sur un enfant. Le chérubin a été brûlé à la cigarette au doigt. A Béja, deux lycéennes ont été agressées sexuellement par un adulte. A Kairouan, un nourrisson de huit mois a été agressé au point d’être hospitalisé et mis sous tutelle de sa grand-mère. En avril 2018, une collégienne âgée de 15 ans a été victime d’harcèlement sexuel à Gafsa. A Kairouan, un enfant de 14 ans a été châtié et brûlé à l’aide d’un couteau par son frère. Toujours à Kairouan, une enfant de 10 ans a failli être violée par le gardien de l’école. A La Manouba, un homme a violé sa nièce âgée de seulement 11 ans. Faute de prise de mesures d’urgence, à même de lutter efficacement contre cette évolution alarmante, la violence semble être plus que jamais banalisée. Comme si tout convergeait, en fait, vers une intégration inconsciente — ou voulue — de ce comportement pathologique. Pourtant, l’heure est à combattre ce phénomène et à user des recommandations des experts en sociologie pour stopper ces crimes, faire face à toutes les formes de violence et éviter le pire.