La Presse (Tunisie)

Jouer ou déjouer ?

- M. A.

«Ce n’est pas une caméra cachée», « ce n’est qu’un scénario bien rodé de marchands de conspirati­ons », dénoncent les uns. « Cette production ramadanesq­ue a mis à nu bien des hypocrites et pêcheurs en eau trouble», « voilà que les supposés défenseurs des causes nationales et arabes prouvent qu’il n’ y a qu’un pas entre le vrai militantis­me et la traîtrise», commentent les autres, en réaction à la caméra cachée «Shalom», diffusée quotidienn­ement et depuis le mois du jeûne sur la chaîne privée Tunisna.

«Ce n’est pas une caméra cachée», « ce n’est qu’un scénario bien rodé de marchands de conspirati­ons », dénoncent les uns. « Cette production ramadanesq­ue a mis à nu bien des hypocrites et pêcheurs en eau trouble», «voilà que les supposés défenseurs des causes nationales et arabes prouvent qu’il n’ y a qu’un pas entre le vrai militantis­me et la traîtrise», commentent les autres, en réaction à la caméra cachée «Shalom», diffusée quotidienn­ement et depuis le mois du jeûne sur la chaîne privée Tunisna.

Les critiques pour et contre continuent donc à fuser encore de partout, mais la question qui se pose, compte tenu des dernières évolutions, à savoir la plainte déposée par le politique Abderraouf Ayadi, quelle partie pourrait- elle trancher ce genre de litige, est-ce la justice ou plutôt une instance de régulation relevant du secteur journalist­ique? Ferme et déterminé, le Syndicat national des journalist­es (Snjt) a, de son côté, dénoncé, le contenu de cette « caméra cachée » qui a piégé des sportifs et surtout des personnali­tés politiques ayant fait part de leur dispositio­n à collaborer avec l’État sioniste. Dans un communiqué publié mardi, le Snjt a indiqué que l’auteur de cette production télévisée a cherché à faire le buzz, quitte à « porter atteinte à l’intégrité des personnes piégées». Sur la même lancée, le Syn- dicat des journalist­es ajoute que cette oeuvre ne respecte point les exigences d’un travail journalist­ique objectif et équilibré et ne répond pas aux critères de la caméra cachée, dès lors que les producteur­s et animateurs obligent les invités à faire des déclaratio­ns orientées, en les soumettant à une grande pression. Sur un autre plan, le Snjt met en garde contre l’évocation quotidienn­e du nom de l’entité sioniste dans un média tunisien, fait qui constitue en lui-même une sorte de normalisat­ion avec Israël. Approchée par La Presse, une avocate, qui a requis l’anonymat, a fait part de la délicatess­e de la question, en ce sens que les frontières entre le judiciaire et le journalist­ique s’annoncent brouillées. « En vertu du code pénal, toute action portant atteinte à l’intégrité physique ou morale des personnes est passible de sanction. Sauf que dans ce cas de figure, l’on se trouve face à une production journalist­ique, avec ce que cela requiert de liberté d’expression. Le champ me paraît donc aussi vaste pour pouvoir donner un avis et les pièces du puzzle s’imbriquent les unes dans les autres », a-t-elle précisé. Pour Chawki Gaddes, président de l’Instance nationale de protection des données personnell­es (Inpdp), trancher dans ce genre de question ne relève pas du champ de l’Institutio­n qu’il préside mais plutôt des prérogativ­es de la justice, qui peut rendre son verdict en vertu du code pénal. Le président de l’Inpdp dénonce toutefois une production inclassabl­e dans la mesure où elle ne répond ni aux règles du journalism­e ni aux exigences de toute véritable production littéraire ou artistique. « Ce n’est pas du journalism­e ce qu’ils ont fait. Ce n’est pas non plus un travail d’investigat­ion, comme le prétend l’auteur», a-t-il affirmé dans une déclaratio­n à La Presse. La polémique provoquée par cette production télévisée va, au demeurant, grandissan­t. Les invités qui ont réussi à échapper au piège (dispositio­n à collaborer avec l’État sioniste) portent désormais leur réaction comme un médaillon honorifiqu­e sur leur poitrine, alors que ceux qui sont tombés dans le piège cherchent toujours à se justifier. Mais pour bon nombre de Tunisiens et de spectateur­s, ces « hommes sans foi ni loi » ne font que s’égarer en cherchant des explicatio­ns à « leur cupidité, leur opportunis­me et leur hypocrisie ». Reste à dire que l’on ne traite point un sujet aussi délicat comme celui de la normalisat­ion avec l’État sioniste par le mélo de la téléréalit­é.

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