La Presse (Tunisie)

Une tradition séculaire toujours vivace

- Jamel TAÏBI

Symbole de solidarité et d’engagement en faveur des démunis, les restos du coeur représente­nt un soutien de taille pour nourrir les pauvres et les passants en quête d’un repas d’Iftar

Ancrés dans les traditions du pays et représenta­nt une pratique toujours vivace pendant le mois saint de Ramadan, les restos du coeur continuent encore de rendre de précieux services pour nourrir les pauvres et autres passants en quête d’un repas d’Iftar qu’ils ne parviennen­t à trouver nulle part en cette période. Même si, au demeurant, cela peut sembler une action ponctuelle qui ne cible qu’une partie infime de la population, l’effet que cela donne sur l’ancrage de la solidarité est très important dans le pays. Déjà, l’on voit un peu partout dans les villes de l’intérieur de tels restos s’installer, même durablemen­t, pour servir des repas à de nombreuses familles considérée­s comme sans ressources. Et du coup, au-delà des restos ouverts par des mécènes, c’est l’Union tunisienne de solidarité sociale qui se charge de diligenter les repas d’Iftar et les restos du coeur permanents ouverts à longueur d’année. Autant dire alors, comme nous l’avons remarqué un peu partout dans des restos du Kef ou de Siliana, c’est toujours une part de gaieté et de bonheur que l’on nourrit chez ceux qui les fréquenten­t, surtout que cela représente le refuge inévitable pour échapper à la misère du temps, d’autant plus que l’on assiste ces dernières années à une envolée sans précédent des prix de tous les produits de consommati­on qui rendent la vie difficile et dure pour tous les Tunisiens. Il n’est d’ailleurs qu’à se rendre à l’un des restos de la ville du Kef pour se rendre à l’évidence de l’importance de tous les repas d’ « Iftar » servis. Les citoyens ciblés, venant des quartiers populaires défavorisé­es, se ruent même sur le resto chaque soir et bénéficien­t du choix entre la prise du repas sur place avec toutes les commodités offertes ou encore les repas à emporter et à consommer chez soi, une option que certaines familles préfèrent en ce qu’elle permet de maintenir tous ses membres au logis et de préserver leur intimité. Vendredi dernier, en effet, l’on s’active à la cité Eddyr, du côté du complexe des jeunes du Kef vers 18h00, à peaufiner les repas à servir aux visiteurs de ce centre multidisci­plinaire doté d’un espace d’hébergemen­t et d’un autre de restaurati­on. Des bénévoles du Croissant-Rouge et des scouts tunisiens, munis de leurs dossards, mettent la main à l’ouvrage pour assister tous ceux qui sont venus quêter un repas, ce qui reflète aux yeux de la représenta­nte du Croissant-Rouge tunisien, une femme-médecin, une volonté de servir ces damnés de la nature et de la société, tous pauvres et issus de cités populaires défavorisé­es, et l’on pouvait même admirer sur son visage un sourire qui illustre cet air jovial et si convivial qu’elle manifeste à l’égard de ceux qu’elle est venue servir, de bonté de coeur. De leur côté, les scouts tunisiens sont bien à l’oeuvre et font du bon boulot d’organisati­on, de nettoyage et de mise en place, sans négliger l’animation. Eh oui, à peine le repas fini et servi dignement, d’autant plus que le menu est relativeme­nt assez confortabl­e, que l’on entame la partie récréative de ce repas d’iftar, en offrant un peu de musique avec des shows, des interventi­ons ciblées et même de la danse. Le tout est iodé dans un air de fraîcheur nocturne qui grise les bonnes mines et rend superflu tout commentair­e, en ce que le complexe donne sur une vue imprenable, à perte de vue, y compris le soir, particuliè­rement en cette période où la lune est généreuse. Une femme d’un certain âge, en haillons, nous explique qu’elle se sent bien à l’aise en ce qu’elle mange à sa faim et obtient sa ration de shour complète. D’ailleurs, ce service est offert à tous les visiteurs. Le chargé de gestion du resto nous explique que des étrangers sont même venus manger au complexe un ou deux soirs, précisant qu’ils étaient, à la fois, contents de manger et surpris par cet élan de solidarité nationale qu’ils ont découvert dans cette partie de la Tunisie continenta­le. Autant dire alors, comme nous l’a indiqué un ancien responsabl­e de l’Union régionale de solidarité sociale du Kef, que les restos du coeur sont une «illustrati­on de la cohésion de la société tunisienne autour de cette question de solidarité, en dépit des discussion­s et autres divergence­s que l’on peut remarquer ici ou ailleurs». Les restos du coeur seront, alors, toujours là et pérenniser­ont probableme­nt encore longtemps cet engagement des Tunisiens en faveur d’une société solidaire qui a fait de la Tunisie un pays d’accueil de choix.

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