Face-à-face entre l’extrême droite et ses détracteurs
La police a dit avoir dû recourir à du gaz irritant pour séparer certains manifestants
AFP — La capitale allemande était le théâtre hier d’un face-à-face tendu entre un rassemblement d’extrême droite et de contremanifestants déterminés à gêner leurs rivaux par tous les moyens, sous l’oeil d’un important dispositif policier. A la mi-journée, une foule de manifestants du parti AfD, l’Alternative pour l’Allemagne marchait depuis la gare centrale de Berlin vers la porte de Brandebourg, reprenant en choeur les slogans favori de cette formation: la chancelière Angela «Merkel doit partir» ou encore «nous sommes le peuple». Sur l’autre rive de la Spree, au pied du Reichstag, le siège de la chambre des députés, des milliers de militants syndicaux, simples berlinois et membres d’associations ou de partis concurrençaient ce défilé de l’extrême droite. Ces derniers ont forcé le cortège de l’AfD à se détourner de son itinéraire original en bloquant un pont. Les militants d’extrême droite ont pu reprendre leur marche par un autre chemin. Ailleurs, la police a dit avoir dû recourir à du gaz irritant pour séparer certains manifestants. Des invectives ont aussi été lancées, et l’AfD a assuré qu’un bus de manifestants a été visé par des jets de peintures et de pierres dans la matinée. «La propagande nazie n’est pas un droit» ou «tout Berlin est contre l’AfD», scandaient aussi les milliers de contre-manifestants. Des navires anti-AfD, décorés de banderoles et de ballons, se joignaient aussi au rassemblement, alors que des boîtes de nuit ont prévu de noyer les slogans d’extrême droite dans de la musique techno à l’aide de haut-parleurs embarqués dans des camionnettes et des bateaux.
Liberté contre islamisation
Par crainte de dérapages violents, quelque 2.000 agents des forces de l’ordre ont été réquisitionnés, d’autant que des groupes dits «antifascistes» ont promis de saboter la marche de l’AfD, laissant craindre des débordements. Beatrix von Storch, l’une des dirigeantes de l’extrême droite, a repris devant la foule le thème favori de son parti: la dénonciation de la menace que représenterait l’islam. «Ce qui est en jeu c’est la liberté face à l’islamisation», a-t-elle lancé, alors que son parti a connu une popularité grandissante en se nourrissant des craintes suscitées par l’arrivée de plus d’un million de demandeurs d’asile depuis 2015. Christian Neubauer, 47 ans, abonde en ce sens, dénonçant l’accueil aux migrants décidé par la chancelière allemande. «Ce n’est plus possible avec cette Merkel, c’est inacceptable que le gouvernement gâche tant d’argent pour des réfugiés et laisse des personnes âgées dans la misère», dit-il. Bruyant à la chambre des députés où il a fait une entrée fracassante aux législatives du 24 septembre (près de 13%), l’AfD dit désormais vouloir mobiliser dans la rue contre la chancelière Angela Merkel, sa bête noire. Après avoir annoncé 10.000 participants à la police, la direction du parti a revu ses ambitions cette semaine, disant compter sur 2.500 à 5.000 manifestants. Beaucoup n’osent pas afficher publiquement leur affinité, craignant des représailles dans leur entourage ou au travail, affirme l’AfD.
Pas laisser la rue à l’AfD
Les contre-manifestants de tous bords s’agitent eux depuis des jours sur les réseaux sociaux pour ne pas «laisser la rue aux sympathisants de l’AfD». Pour la plupart, il s’agit d’empêcher pacifiquement l’Alternative pour l’Allemagne de faire entendre son message. Plus inquiétant pour la police, des militants Antifa ont lancé des mots d’ordre sur internet comme «le chaos plutôt que l’AfD». Or des affrontements entre policiers et cette mouvance ont lieu régulièrement à Berlin. «Chaque personne qui sera à notre manifestation sait bien que ça ne sera pas une balade tranquille», a relevé Andreas Kalbitz, un cadre de l’AfD. Fondée en 2013, l’AfD est devenu la troisième force politique d’Allemagne en se nourrissant des craintes liées à l’arrivée de plus d’un million de migrants. La formation, avec plus de 90 députés, est le premier parti d’opposition du fait de l’alliance gouvernementale conclue dans la douleur entre les conservateurs d’Angela Merkel et les sociauxdémocrates. Si la politique migratoire du gouvernement s’est nettement durcie ces deux dernières années, l’AfD continue de progresser dans les sondages et talonne le SPD.