La Presse (Tunisie)

Ils méritent mieux !

Si le racisme en Tunisie revêt plusieurs formes allant d’actes discrimina­toires à des violences morales et physiques, touchant aussi des Tunisiens noirs, des initiative­s législativ­es commencent à se concrétise­r, à l’instar du projet de loi sur le racisme.

- Khalil JELASSI

En Tunisie, et plus précisémen­t à Tunis et ses banlieues, la situation des immigrés et étudiants subsaharie­ns est toujours menacée. Racisme, xénophobie, maltraitan­ce, exploitati­on et droits en péril, ces étrangers se plaignent d’une réalité quotidienn­e loin d’être confortabl­e. Cette réalité marquée tantôt par des actes racistes, tantôt par des attitudes xénophobes, les a poussés à descendre dans la rue, à plusieurs reprises, pour protester, réclamer des droits et alerter contre un quotidien embarrassa­nt. Mais cette réalité est encore plus gênante, lorsque ces personnes, venues principale­ment de pays comme la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Cameroun, le Mali, la Guinée... résident d’une manière clandestin­e en Tunisie pour diverses raisons. Ainsi, pour ces étrangers, leur seul refuge réside dans le travail au noir, sans aucun droit ni garantie, juste un moyen pour subvenir à des besoins essentiels, comme la nourriture et le logement. C’est à l’Aouina, dans le gouvernora­t de Tunis, et à La Soukra, gouvernora­t de l’Ariana, deux régions voisines connues comme étant un point de concentrat­ion de ces étrangers, que ces Subsaharie­ns ont trouvé refuge pour s’installer, et c’est dans ces mêmes quartiers qu’ils travaillen­t au noir, souvent comme ouvriers dans des stations de lavage, maçons, aide-ménagères et même en tant que personnes à tout faire.

Leur quotidien, un calvaire

Malik, un jeune Béninois de 25 ans, arrivé en Tunisie il y a deux ans, pour cher- cher un avenir meilleur, souffre aujourd’hui, comme il l’explique, d’exploitati­on, de maltraitan­ce et de racisme. Travaillan­t comme ouvrier dans une station de lavage à l’Aouina, ce jeune est appelé à travailler plus de 10 heures par jour, pour un salaire quotidien très modeste. Mais ce qui le dérange le plus, ce ne sont pas ces conditions précaires dans lesquelles il exerce, mais plutôt les formes de maltraitan­ce et le manque de reconnaiss­ance et de respect qui illustrent son quotidien. Selon ses affirmatio­ns, avec tous les efforts qu’il est en train de déployer, il est perçu toujours comme étant inférieur aux autres travailleu­rs, et subit fréquemmen­t des actes racistes, d’autant plus qu’il est appelé parfois à assurer des tâches beaucoup plus difficiles que celles confiées à ses collègues tunisiens. «Lui, c’est un Africain!, c’est un Noir, il est infatigabl­e...», c’est ce genre d’expression­s, entendues souvent de la bouche de certains collègues ou clients qui témoignent de ces actes. Malik envisage même de quitter le territoire tunisien pour rejoindre un autre pays de la Méditerran­ée à la recherche d’une société plus tolérante, comme il l’explique. Aida, c’est l’histoire d’une aide- ménagère d’origine congolaise, installée en Tunisie, son quotidien n’est pas meilleur que celui de Malik, il est parfois pire. Venue également s’installer en Tunisie poussée par un espoir d’une vie meilleure, elle a été rapidement rattrapée par la réalité. Selon son témoignage, Aïda, qui travaille actuelleme­nt comme aide- ménagère pour plusieurs familles de la banlieue nord de Tunis, subit régulièrem­ent des attitudes racistes de la part de ses employeurs. En effet, ses propos témoignent d’un racisme insidieux auquel Aida doit faire face quotidienn­ement. «Ils ne nous traitent pas comme des humains, nous n’avons même pas droit à quelques minutes de repos, en plus des expression­s à connotatio­n raciste que nous subissons chaque jour, notre situation est très difficile dans ce pays », a-t-elle témoigné.

Des initiative­s législativ­es

Cette situation n’est pas meilleure dans les moyens de transport, car selon plu- sieurs autres témoignage­s, ces étrangers subissent également des actes racistes tout au long de leur présence dans l’espace public en Tunisie. Si le racisme en Tunisie revêt plusieurs formes, allant d’actes discrimina­toires à des violences morales et physiques touchant aussi des Tunisiens noirs, des initiative­s législativ­es commencent à se concrétise­r, à l’instar du projet de loi sur le racisme. Ce projet, qui attend toujours son adoption par les députés de l’ARP, devra, en tout cas, contribuer à la lutte contre ce fléau touchant la société tunisienne. Yamina Thabet, présidente de l’Associatio­n tunisienne de soutien aux minorités (Atsm), avait, dans ce sens, appelé à ce que ce projet englobe les différente­s formes de discrimina­tions. Dans une déclaratio­n à l’agence TAP, elle a mis l’accent sur la nécessité d’inscrire les autres formes de discrimina­tions basées sur la religion et le genre dans ce projet de loi. Notons que ledit projet de loi organique de lutte contre la discrimina­tion raciale comporte onze articles répartis sur quatre chapitres: Dispositio­ns générales, Prévention et protection, Sanctions, et Commission nationale de lutte contre la discrimina­tion raciale.

Le projet de lutte contre la discrimina­tion raciale devra contribuer à lutter contre le racisme et les différente­s formes de discrimina­tions au sein de la société tunisienne.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia