L’apologie de la pègre !
Le comble est atteint. Après avoir fait l’éloge de tous les fléaux auxquels font face nos jeunes (drogue, violence…) à travers des feuilletons échappant à tout contrôle moral ou légal, nos télévisions ont franchi le pas. C’est, maintenant, au tour de la glorification de la pègre en Tunisie. L’idée de porter à l’écran les «hauts faits» d’un bandit notoire avait germé dans l’esprit de plusieurs personnes. C’est une chaîne télévisée privée qui a accepté de financer ce travail, sachant d’avance qu’il recueillerait l’adhésion de nombreux téléspectateurs, non parce que c’est une oeuvre de qualité, mais, tout simplement, parce que le paysage audiovisuel est tellement pauvre et mesquin qu’il n’offre aucun choix. C’est, exactement, la même situation qui règne dans ce paysage. Comme les vendeurs anarchiques, ces chaînes polluent le goût et détruisent, irrémédiablement, le bon sens propre à chaque être humain. On les voit se livrer à une bataille pour s’arracher la plus grande «clientèle». Il ne leur suffit pas de passer à longueur d’antenne des programmes suintant le misérabilisme et la délectation des souffrances des autres.
Le palier franchi, aujourd’hui, dépasse tout entendement et toute logique. Mettre en scène une figure de la pègre n’aurait pas été un péché si on l’avait traité de façon artistique. Mais là, elle est prise telle quelle à l’état brut et dans toute sa brutalité et sa violence. Les premières images de cette série en disent long sur les intentions des auteurs de ce feuilleton controversé. On y voit, dès le début, un personnage affûtant des couteaux de boucher. Le ton est, donc, donné. L’im- pact fortement négatif sur les jeunes téléspectateurs n’est pas à démontrer. Chacun peut comprendre qu’il y aura une suite logique. Les attaques menées concomitamment contre les moyens de transport reproduisent (agressions contre les métros et les trains de la Sncft), à quelques détails près les expéditions punitives organisées par les bandes de loubards décrites dans cette série télévisée. L’apport culturel que l’on attend d’une fiction est quasi nul dans ce genre de production. Il est certain que l’objectif essentiel, à travers un tel travail, n’est que purement matériel. C’est une question d’audimat et de publicité. Les considérations morales portant sur les valeurs dont on doit se prévaloir ont été ignorées. C’est, semble-til, le dernier des soucis de telles chaînes de télévisions privées. Aussi, sommes-nous tentés de nous demander si la censure tant décriée, auparavant, n’avait pas été utile, dans un certain sens. Car, aujourd’hui, chacun peut tout faire passer au nom de la «liberté» d’expression. Tout en oubliant le respect d’une certaine déontologie. Ces nouveaux «créateurs» se croient au dessus de tout et ne s’embarrassent d’aucun scrupule. Pis encore, ils refusent de se soumettre aux instances de régulation de l’audiovisuel. Ils mettent, même, en doute leur rôle. On aurait pu être plus imaginatif et plus positif en campant des figures héroïques tirées de notre patrimoine national. Il y en a beaucoup. De vrais héros ont existé. Et il en existera, toujours, malgré le règne de la médiocrité.