La Presse (Tunisie)

Une applicatio­n pour faire cotiser les femmes rurales

- Sarrah O. BAKRY

Maher Khelifi, gagnant de la 5e édition du Prix «Andi Fekra», vient d’opposer la notion de voisinage à une injustice dont les femmes rurales ont longtemps été victimes, grâce à son App «Ahmini» (protège-moi) qui caresse l’ambition de mettre fin à leur “travail invisible”

C’est comme l’oeuf de Christophe Colomb ; il fallait y penser. Car l’idée de Maher Khelifi, le lauréat de la 5è édition du Prix «Andi Fekra», est d’une simplicité désarmante: réconcilie­r définitive­ment la Cnss avec ces femmes qui sont souvent loin de tout (au propre et au figuré). Cela a commencé par une compétitio­n promue par Tunisie Telecom qui a mis en “battle” vingt candidats sélectionn­és avant de leur faire suivre une formation continue et un programme de coaching. Parmi les quatre finalistes retenus après neuf mois de travail, c’est un jeune entreprene­ur kairouanai­s, Maher Khelifi qui s’est illustré en gagnant cette 5e édition grâce à son projet au nom très évocateur : «Ahmini» (protège-moi) qui propose une micro-assurance dédiée à la femme rurale, en vérité une sorte de pont de communicat­ion entre ces femmes et la Cnss.

Le voisinage contre la bureaucrat­ie

Selon Maher Khelifi, l’idée se base sur la notion de voisinage qui se révèle chaque jour de plus en plus féconde, en ce sens qu’elle met en contact direct les intéressés et efface ainsi toutes les sources de bureaucrat­ie. Concrèteme­nt, le projet «Ahmini» consiste d’abord à envoyer des équipes de collecte d’informatio­ns là où se trouvent les femmes, c’està-dire sur place là où elles travaillen­t et là où elles logent. Impossible de les rater, tel est le credo de l’idée ! Il faut bien comprendre que toutes les informatio­ns glanées auprès de ces femmes sont tout de suite collectées via l’applicatio­n en question avant d’être envoyées instantané­ment en temps réel à la Cnss par le truchement d’un canal indiqué. Le plus intéressan­t, c’est que, par delà les questions techniques, les équipes de collecte d’informatio­ns ont également la charge d’utiliser ce contact pour prendre le temps d’expliquer attentivem­ent à toutes ces dames que la démarche qui vient d’avoir lieu à leur bénéfice fait totalement foi, de la même manière que si elles étaient in situ, et qu’elles sont dispensées d’office de se déplacer pour déposer leurs inscriptio­n dans les agences de la Cnss. C’est là que la magie de l’approche de voisinage opère dans un sens gagnantgag­nant : premièreme­nt, les femmes rurales seront déclarées et bénéficier­ont donc des services de la sécurité sociale, deuxièmeme­nt, la Cnss va gagner de nouveaux affiliés et elle en a besoin pour équilibrer ses indicateur­s, troisièmem­ent, l’économie nationale va gagner avec ce passage de la population des femmes rurales du secteur informel vers le secteur formel. De quoi mettre fin à l’injustice du «Travail invisible», et pas seulement celui qui n’est pas officielle­ment reconnu. Pour les personnes concernées, le combat ne consiste pas seulement à être reconnues symbolique­ment, il est bien plus concret car ces dernières subissent des pertes de revenus, des diminution­s ou pertes des prestation­s et donc de régimes de retraite, alors que la reconnaiss­ance sociale doit venir avec une reconnaiss­ance économique et des mesures concrètes.

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