La Presse (Tunisie)

Rajoy s’éclipse par la petite porte

Son gouverneme­nt a été renversé par le Parlement, au lendemain de l’annonce de la condamnati­on de son parti dans un méga-procès pour corruption... Le socialiste Pedro Sanchez prend le relais

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AFP — Le chef du gouverneme­nt conservate­ur, Mariano Rajoy, coulé par un scandale de corruption, a été renversé hier par le Parlement, après plus de six ans au pouvoir en Espagne, et remplacé par le socialiste Pedro Sanchez. La motion de censure contre le dirigeant conservate­ur a été adoptée, comme prévu, vers 09h30 GMT à une majorité de 180 députés sur 350. Le sort de M. Rajoy s’est donc joué en à peine une semaine depuis le dépôt hier par le Parti socialiste (Psoe) de M. Sanchez de cette motion, au lendemain de l’annonce de la condamnati­on du Parti Populaire du chef du gouverneme­nt dans un mégaprocès pour corruption, baptisé Gürtel. Peu de temps avant le vote, M. Rajoy, premier chef de l’exécutif renversé par une motion de censure en Espagne depuis le retour à la démocratie, avait reconnu sa défaite. «Nous pouvons présumer que la motion de censure sera adoptée. En conséquenc­e, Pedro Sanchez va être le nouveau président du gouverneme­nt», a-t-il déclaré, dans une courte allocution acclamée par ses partisans, félicitant son rival et soulignant son «honneur» d’avoir dirigé le pays. Un chapitre de l’histoire politique espagnole s’est donc refermé hier à Madrid. Au pouvoir depuis décembre 2011, M. Rajoy, 63 ans, avait survécu à plusieurs crises majeures, de la récession, dont il est sorti au prix d’une sévère cure d’austérité, aux mois de blocage politique en 2016 jusqu’à la tentative de sécession de la Catalogne l’an dernier. « Aujourd’hui, nous écrivons une nouvelle page de l’histoire de la démocratie dans notre pays», a déclaré M. Sanchez, ancien professeur d’économie surnommé le «beau mec», qui va être nommé officielle­ment chef du gouverneme­nt dans les heures à venir.

La revanche de Sanchez

A 46 ans, M. Sanchez tient enfin sa revanche, lui dont l’investitur­e à la tête du gouverneme­nt avait été rejetée par les députés en mars 2016 avant qu’il ne réalise en juin de la même année le pire score de l’histoire du Psoe aux élections législativ­es. Débarqué du poste de numéro de sa formation à la suite de cette déroute électorale, il en a repris les rênes l’an dernier grâce au soutien de la base contre les barons du Psoe. Monté au front contre M. Rajoy dès l’annonce le 24 mai de la condamnati­on du PP dans le scandale Gürtel, il a tenté cette fois avec succès un coup de poker politique. Mais il a dû former autour des 84 députés socialiste­s une majorité hétéroclit­e allant de Podemos aux indépendan­tistes catalans et aux nationalis­tes basques du PNV. Ces derniers, qui comptent 5 députés, ont porté le coup fatal à M. Rajoy jeudi après-midi en se ralliant à la motion socialiste après avoir pourtant voté le budget du gouverneme­nt la semaine dernière. Afin de convaincre le PNV, M. Sanchez a dû assurer qu’il ne toucherait pas à ce budget qui prévoit des largesses financière­s pour le Pays basque. Il a en outre promis aux indépendan­tistes catalans qu’il essaierait de «jeter des ponts pour dialoguer» avec le gouverneme­nt régional de Quim Torra. Reste à savoir désormais combien de temps M. Sanchez, qui veut faire adopter des mesures sociales et a promis de convoquer par la suite des élections, sera en mesure de gouverner avec une majorité qui apparaît totalement instable. Ses alliés de circonstan­ce ont d’ailleurs tous souligné que leur vote contre Rajoy n’était pas un chèque en blanc. Podemos a déjà réclamé d’entrer au gouverneme­nt. « M. Sanchez veut être chef du gouverneme­nt à n’importe quel prix » mais va « rentrer à la Moncloa (siège de la présidence du gouverneme­nt) par la porte de derrière», a raillé Rafael Hernando, patron des députés conservate­urs.

L’affaire de trop

La condamnati­on du PP dans le procès Gürtel pour avoir bénéficié de fonds obtenus illégaleme­nt aura donc été l’affaire de trop pour M. Rajoy, dont le PP est empêtré dans plusieurs scandales. Dans cette affaire, les juges ont conclu à l’existence d’un «authentiqu­e système de corruption institutio­nnelle» entre le PP et un groupe privé à travers la «manipulati­on de marchés publics», ainsi qu’à l’existence d’une «caisse noire» au sein du parti. Ils ont de plus mis en doute la crédibilit­é de M. Rajoy qui avait nié l’existence de cette comptabili­té parallèle devant le tribunal.

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