La Presse (Tunisie)

Kanwal Sibal Ancien secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères d’Inde, ancien ambassadeu­r d’Inde en France

-

Pensez-vous que le monde puisse devenir meilleur, et que peuvent faire pour cela les «Leaders pour la paix» ? Je reste optimiste. Je ne peux pas être pessimiste, le monde ne va pas finir demain. Il faut que les problèmes d’aujourd’hui soient résolus, il en est de notre responsabi­lité pour que le monde soit meilleur. Je crois que le sentiment de survie est très fort chez l’être humain. Dès que le problème est si grave qu’il met en jeu la survie même de l’humanité, nous devons, nous allons trouver une solution.

Aujourd’hui, après la longue période de transition faisant suite à la chute du mur de Berlin, sans avoir abouti à un ordre stable, voilà que nous assistons aux prémices d’un ordre nouveau, bipolaire, basé sur une politique de puissance et non d’idéologie. Un nouvel ordre dans lequel les USA s’appuient sur leur force militaire, et dans lequel, face aux USA, il y a non pas une alliance, mais une entente stratégiqu­e entre la Russie et la Chine. Où se situe l’Inde dans cet ordre mondial ? Ce n’est pas ce que nous pensons. Nous ne croyons pas que le monde soit divisé en deux. Nous ne reviendron­s pas à la politique des non-alignés. Nous avons une autre vision des choses, nous pensons que le monde est toujours en transition. Depuis que la guerre froide s’est terminée, nous avons compris que le choix des non-ali- gnés n’était plus d’actualité. Nous pensons que nous avons toujours le choix. Les portes du monde se sont ouvertes entre nous et le reste du monde, sans aucune entrave. Nos relations avec les USA se sont améliorées. En même temps, nous avons des liens très étroits avec la Russie, nous faisons partie du Brics, et nous entretenon­s des relations suivies avec le monde occidental. Quelles sont vos relations avec l’Afrique et le monde arabe ? Nous avons organisé, en 2015, à Delhi, l’Indian African Summit, forum auquel ont assisté 42 chefs d’Etat africains. Ce qui nous a donné la possibilit­é d’approfondi­r nos relations avec l’Afrique. En ce qui concerne le monde arabe, nous comptons 7 à 8 millions d’expatriés dans les pays du Golfe. L’argent envoyé par ces expatriés est important pour notre économie. Cette région fournit également 80% de notre énergie. En même temps, nous avons de bonnes relations avec l’Iran, et nous ne voulons pas faire partie du conflit. De même, nous entretenon­s de bonnes relations avec l’Egypte. Mais ce qui est nouveau, et qui n’a pas provoqué de remous, c’est l’accroissem­ent de nos relations avec Israël. Nous sommes partenaire­s dans les domaines de la défense, de la sécurité et de l’agricultur­e. Et s’il fallait choisir en cas de conflit ? Espérons que nous n’aurons jamais à le faire, et qu’il n’y aura pas de conflit. Mais si conflit il y a, cela relèvera de la responsabi­lité collective, et du Conseil de sécurité des Nations unies.

Pour revenir au rôle de «Leaders pour la paix», et à leur pouvoir ? Il faut être réaliste : il s’agit d’une plateforme comme les Nations unies, où tout le monde est représenté. On peut en espérer une entente, mais pas la solution. Une plateforme où l’on n’est pas obligé de prendre des décisions nationales, donc où l’on peut être plus libre, plus franc et mieux analyser les vraies raisons des problèmes actuels. Nous «Leaders pour la paix» devons effectuer un travail de sensibilis­ation, sans avoir l’illusion que nos solutions seront acceptées rapidement. Il s’agit plutôt de créer un environnem­ent au niveau internatio­nal où l’on aura une meilleure appréciati­on des défis, et où on ouvrira des voies vers les solutions.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia