Irina Bokova Ancienne directrice générale de l’Unesco
Pensez-vous que le monde puisse devenir meilleur, et que peuvent faire pour cela les «Leaders pour la paix» ? Des initiatives comme celle-ci, honnête, sincère, pour promouvoir la recherche de la paix. Elle vient d’une éminente personnalité dont je respecte l’intégrité, Jean-Pierre Raffarin. Je suis heureuse de compter parmi ces 25 personnes réunies pour parler de paix. Car aujourd’hui, on ne parle que de guerre, le monde tourne autour de la guerre. J’appartiens à une génération qui a grandi dans la paix. Malheureusement, les conflits ne sont plus les mêmes. Ils sont générés par la pauvreté, l’injustice, certaines revendications historiques, le manque de bonne gouvernance et de respect de la dignité humaine. Mais aussi par les problèmes des jeunes, et le manque d’emplois pour eux. Il nous faut revenir à une diplomatie qui inclut la dimension sociale. C’est d’ailleurs le but de l’agenda 2030 adopté par les Nations unies.
Quel est votre bilan à l’Unesco ?
Huit années fascinantes, avec des hauts et des bas, bien sûr. De grandes satisfactions en ce qui concerne la contribution de l’Unesco au développement durable, son action dans le domaine de l’éducation, des sciences et du dialogue interculturel. Mais aussi des moments difficiles. Quand Daesh a commencé à détruire le patrimoine dans les pays où il sévissait, nous avons sensibilisé les leaders politiques sur le lien entre patrimoine et paix dans le monde. C’est ainsi que le Conseil de sécurité a adopté, l’an dernier, une résolution sur la paix et la sécurité, faisant lien avec la paix, la sécurité et la protection du patrimoine. Si on défend l’identité d’un peuple, si on partage une histoire commune, on ne peut laisser détruire son patrimoine.
Quel serait votre plus beau souvenir ?
La reconstruction du mausolée de Tombouctou. J’avais été làbas avec le président Hollande, et j’avais vu la tragédie, le malheur de la communauté locale. Quand nous l’avons reconstruit, j’ai vu la joie, et j’ai eu l’impression que nous avions rendu une identité à ce peuple. J’ai été nommée citoyen d’honneur de Tombouctou. Cela restera mon plus beau souvenir
Et le pire ?
La destruction du mausolée de Mossoul. C’était au début de l’avancée des extrémistes. J’ai décidé d’aller à Bagdad. Je me suis rendue à Herbil, j’ai visité les camps de réfugiés, puis je suis rentrée pour lancer une campagne de l’Unesco pour la préservation de ce patrimoine. Une campagne qui a été fédératrice et très suivie.