Assia Alaoui-Ben Salah Ambassadrice itinérante du roi du Maroc
Pensez-vous que le monde puisse devenir meilleur, et que peuvent faire pour cela les «Leaders pour la paix» ? Il me semble que le dialogue est le seul moyen que nous ayons comme modus operandi. A condition que ce soit un dialogue constructif, égalitaire. Il y a une véritable pédagogie du dialogue, et malheureusement, nous, dans le monde arabe, nous ne savons pas dialoguer, nous privilégions la controverse et la polémique au débat. Nous devons changer cela. Nous devons entamer un vrai dialogue pour savoir quel projet de société nous voulons demain pour le Maghreb par exemple : une société marquée par la polémique et la violence du verbe, ou par la sérénité des échanges? Il nous faut apprendre aux jeunes à dialoguer entre eux et entre les différentes générations. C’est fondamental si nous ne voulons pas d’une société au rabais. Les femmes ont là un rôle essentiel à jouer, elles doivent s’en emparer. Nous devons prendre en charge les vrais problèmes et tenir compte de l’ouverture d’esprit des jeunes, de la qualité de l’éducation, de leur appétit de connaissances. A nous de leur donner la clé.
Vous, qui avez travaillé sur le dialogue interculturel, qui avez coprésidé un groupe de sages, pouvez-vous nous dire quelles sont les voies à ouvrir, à explorer pour cela ? Quels sont les dangers à éviter ? La seule chose sûre, c’est l’immense incertitude de l’avenir. Or, comment gérer l’incertitude ? Le second grand danger, c’est la rapidité vertigineuse du développement technologique qui risque de créer des inégalités. Or, il ne faut pas créer de futures fractures. Quelle éducation offrir, quelle sera la capacité d’adaptation, comment intégrer ces mutations profondes ?
Le premier dossier proposé à la réflexion des «Leaders pour la paix» a été celui de la frontière tuniso-libyenne, «frontière dangereuse»… Pour évoquer le cas de la Tunisie, ce pays vit des moments fondamentaux de transition, extrêmement dangereux, difficiles, mais déterminants pour son avenir : comment sécuriser la frontière ? Comment désamorcer cela avant l’explosion ? Face à ce problème, partagé entre l’impuissance devant la tâche titanesque de mettre de l’ordre dans le désordre mondial, et le désir de le faire, il faut toujours rappeler un triple principe : quel intérêt a-t-on à agir ? Quelle légitimité ? Quelle capacité ? A partir de cela, on essaie de rationaliser une proposition. Cette démarche permet d’identifier les acteurs, Etats, sociétés civiles, municipalités ayant des tâches différenciées et complémentaires.
Pour revenir au rôle de «Leaders pour la paix» ? Le rôle de cette ONG est fondamental. Ne fût-ce que pour constituer un exemple pour nous Maghrébins, pour que nous sachions déjà engager un dialogue constructif entre nous, les ententes au niveau du Maghreb étant pratiquement au niveau zéro. Il est temps, aujourd’hui, face à la dangerosité, de faire montre de créativité. Je compte sur la société civile pour faire le travail, un travail que les Etats tardent à faire. Comment aider la région, les idées existent, nombreuses. Comment capitaliser sur cela, et en faire des actions concrètes et réelles ?