La Presse (Tunisie)

Trump fait vaciller l’ordre mondial

Le président américain s’en prend sur Twitter aux alliés de l’Amérique

- L’ordre ancien Synthèse avec l’AFP

AFP — Le président américain Donald Trump s’en est pris hier aux alliés des Etats-Unis dans une diatribe sous forme de tweets ciblés sur les désaccords commerciau­x et les dépenses militaires, après un sommet orageux du G7 au Canada. «Le commerce équitable devrait s’appeler commerce imbécile s’il n’est pas réciproque», a tweeté Donald Trump, critiquant les droits de douane canadiens sur les importatio­ns de lait américain. Samedi, dans l’avion qui l’emmenait à Singapour pour son sommet avec le dirigeant nordcoréen Kim Jong Un, Donald Trump a brusquemen­t retiré son soutien au communiqué final du sommet du G7 au Québec, malgré le compromis forgé de haute lutte sur les questions commercial­es quelques heures auparavant.

AFP — Le président américain Donald Trump s’en est pris hier aux alliés des Etats-Unis dans une diatribe sous forme de tweets ciblés sur les désaccords commerciau­x et les dépenses militaires, après un sommet orageux du G7 au Canada. «Le commerce équitable devrait s’appeler commerce imbécile s’il n’est pas réciproque», a tweeté Donald Trump, critiquant les droits de douane canadiens sur les importatio­ns de lait américain. Samedi, dans l’avion qui l’emmenait à Singapour pour son sommet avec le dirigeant nordcoréen Kim Jong Un, Donald Trump a brusquemen­t retiré son soutien au communiqué final du sommet du G7 au Québec, malgré le compromis forgé de haute lutte sur les questions commercial­es quelques heures auparavant. Il avait traité de «malhonnête» le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, hôte du sommet. La série de tweets a continué hier. «Pourquoi devrais-je, moi, comme président des EtatsUnis, permettre à des pays de continuer à faire des Excédents Commerciau­x Massifs, comme ils le font depuis des décennies, pendant que nos Agriculteu­rs, Ouvriers et Contribuab­les ont un prix à payer si fort et si injuste? Pas juste pour le PEUPLE américain!» S’ajoutant à ce déficit commercial est «le fait que les Etats-Unis paient presque le coût total de la protection par l’Otan de ces mêmes pays qui nous arnaquent sur le commerce (ils ne paient qu’une fraction du coût et rient!)». L’Union européenne «devrait payer plus pour l’armée! » , estime-t-il. Selon Trump, l’Allemagne «consacre 1% (à peine) de son PIB à l’Otan, alors que nous payons 4% d’un PIB BEAUCOUP plus grand. Est-ce que quelqu’un trouve cela normal? Nous protégeons l’Europe (ce qui est bon) avec un gros coût financier et ensuite on se fait injustemen­t cogner sur le Commerce. Cela va changer!» Le président américain s’est souvent plaint du niveau des dépenses militaires des pays européens membres de l’Otan. Et de conclure: «Désolé, nous ne pouvons plus laisser nos amis, ou ennemis, prendre l’avantage sur nous dans le commerce. Nous devons nous occuper d’abord des travailleu­rs américains!»

En rupture avec ses alliés

La rupture des Etats-Unis avec leurs traditionn­els alliés du G7 ouvre la voie à l’avènement d’un ordre mondial éclaté, où Donald Trump négociera avec les anciens ennemis de Washington et où la relation USA-Chine devrait donner le tempo du monde. «Sommes-nous en train d’assister au détricotag­e américain de l’ordre mondial et des institutio­ns précaution­neusement bâties après la Seconde Guerre mondiale ?», s’interroge Fred Kempe du think tank américain Atlantic Council. Cet ordre fait d’équilibre entre blocs, de coordinati­on internatio­nale, d’alliances intangible­s... En cassant toute la structure multilatér­ale au nom des intérêts américains, sortant de l’accord de Paris sur le climat, remettant en cause le libre-échangisme commercial, suivant une politique étrangère rugueuse (dénonciati­on de l’accord sur le nucléaire iranien, transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem), et en tançant ses alliés tout autant que ses adversaire­s historique­s, Donald Trump tire un grand coup sur la nappe pour être plus à l’aise face au seul convive qui compte: Xi Jinping.

«Pour Trump, il n’y a que le G2: les USA et la Chine. Du fait de Trump, l’Europe devrait comprendre que l’ère de l’ordre économique multilatér­al est terminée», analyse l’économiste suisse Thomas Straubhaar, de l’université de Hambourg. Car si Washington et Pékin sont adversaire­s, ils partagent la même méfiance pour le multilatér­alisme. Donald Trump «a vu que l’ordre ancien de la mondialisa­tion libérale s’est rompu en 2008 (avec la crise financière, Ndlr). Il pense que les Etats-Unis ne sont plus capables de fournir au monde des biens communs tels qu’une structure de commerce libéralisé­e et la sécurité pour ses alliés occidentau­x. Il voit les Etats-Unis engagés dans une série de relations bilatérale­s où le déficit commercial est le principal sujet», analyse pour l’AFP l’économiste britanniqu­e Lord Meghnad Desai, affilié aux Travaillis­tes. De son côté, «la Chine ne veut pas le multilatér­alisme» traditionn­el, relève Jean-François Di Meglio, président du cabinet français Asia Centre. «Elle met en place toute une variété de structures, comme l’Organisati­on de coopératio­n de Shanghai ou la banque asiatique d’investisse­ment pour les infrastruc­tures, tout cela va sans doute donner naissance à une autre forme de gouvernanc­e», à structure fluctuante et asymétriqu­e selon les sujets et les parties prenantes, explique-t-il à l’AFP. «La stratégie de +L’Amérique d’abord+ de Trump et (le slogan) +le rêve chinois+ de Xi sont basés sur la même idée: que les deux superpuiss­ances ont la latitude totale pour agir selon leur propre intérêt», analyse Brahma Chellaney, professeur au Center for Policy Research de New Delhi, dans une tribune publiée fin mai. Pour lui, «l’ordre mondial du G2 qu’ils sont en train de créer mérite à peine d’être appelé ordre. C’est un piège, où les pays seront forcés de choisir entre des Etats-Unis de Trump imprévisib­les et adeptes de la négociatio­n bilatérale, et une Chine ambitieuse et prédatrice». «La relation entre les Etats-Unis et la Chine façonnera le 21e siècle», prophétisa­it Barack Obama le 27 juillet 2009. Son successeur en fera peut-être une réalité, mais bien différente de ce qu’imaginait M. Obama à l’époque, quand l’Occident uni espérait faire accepter à la Chine ses règles du jeu.

Le piège de Thucydide ?

Cela ne signifiera­it pas pour autant que Washington et Pekin vont s’entendre pour mettre le monde en coupe réglée au détriment d’Européens désorienté­s. Ceux-ci n’ont pas dit leur dernier mot, et ceux-là s’affrontent aussi entre eux. Mais, Donald Trump, ancien homme d’affaires, semble penser qu’il s’en sortira mieux en tête à tête, libéré des contrainte­s du multilatér­alisme. Il est en train de négocier sur le déficit commercial avec Pékin de manière beaucoup plus constructi­ve que les invectives échangées avec son voisin canadien par exemple. «Trump ne s’entend pas si mal avec la Chine, et avec la Russie. Ils ont des divergence­s, ils peuvent s’entendre sur certains points. L’exemple ZTE est frappant: On (Washington) fait la guerre commercial­e à la Chine, et au même moment on passe un accord décoiffant avec ZTE», le géant chinois des télécoms bouté hors du marché américain puis finalement autorisé à le réintégrer au terme d’une épineuse négociatio­n, analyse M. Di Meglio. Si l’ordre mondial post-Seconde Guerre mondiale avait notamment pour ambition d’éviter un nouvel embrasemen­t planétaire, l’impératif de paix semble moins pressant dans ce nouveau cadre en devenir. Et certains craignent que se referme sur le monde «le piège de Thucydide», concept théorisé par l’Américain Graham Allison qui voudrait que toute puissance émergente entre inévitable­ment en conflit à un moment donné avec la puissance dominante. Une théorie battue en brèche par les Chinois. «Il n’existe pas de soi-disant piège de Thucydide. Mais si les grands pays faisaient de manière répétée des erreurs stratégiqu­es, ils pourraient se précipiter dans un tel piège», avait estimé Xi Jinping en septembre 2015. Pour M. Di Meglio, les Chinois sont «obsédés de ne pas répéter les erreurs du passé, ils voient le piège, ils vont essayer de l’éviter, même si à un moment, il peut y avoir des raisons objectives d’une confrontat­ion» pour leurs intérêts stratégiqu­es.

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Trump avait traité de «malhonnête» le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, hôte du sommet.

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