La Presse (Tunisie)

La photo qui fait parler d’elle

«1-0 pour le président américain», estime sur Twitter Elisabeth Wehling, spécialist­e de sciences politiques et de langage à l’université de Berkeley en Californie.

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AFP — Une photograph­ie pour l’histoire? Le cliché viral diffusé au G7, où Donald Trump semble tenir tête au reste du monde, résume à lui seul les nouvelles fractures occidental­es mais donne lieu à des interpréta­tions assez diverses. «L’Occident ébranlé», titre hier le quotidien allemand Tagesspieg­el, à côté de l’image désormais célèbre, prise par un photograph­e officiel travaillan­t pour le gouverneme­nt allemand et diffusée sur les réseaux sociaux par le porte-parole de la chancelièr­e Angela Merkel. Cette photo, dont la compositio­n rappelle celle d’un tableau, a été l’une des plus partagées, commentées ou détournées sur les réseaux sociaux, tant elle paraît résumer, mieux que tous les discours, l’état du monde après le fiasco du sommet des pays industrial­isés au Canada. Elle a été prise par un photograph­e allemand primé par le World Press Photo, Jesco Denzel, spécialisé dans les photos et portraits officiels. Le porte-parole d’Angela Merkel, Steffen Seibert, a expliqué hier que sa diffusion visait à donner aux internaute­s «un aperçu du travail de la chancelièr­e et de l’atmosphère de travail intense d’un G7». Elle paraît répondre à un objectif de communicat­ion encore plus précis: mettre en lumière la fermeté d’Angela Merkel, qu’on voit entourée d’autres dirigeants du G7. Appuyée en avant, les mains sur une table, elle semble tenir tête à Donald Trump, voire réprimande­r le chef d’Etat américain assis en face d’elle. Que lui dit-elle? personne ne le sait. Dimanche soir à la télévision, Angela Merkel a juste prévenu qu’elle n’entendait pas «se faire avoir» au cas où les EtatsUnis relèveraie­nt leurs droits de douane sur les importatio­ns d’automobile­s, et que l’Europe répliquera­it. Pour l’hebdomadai­re Der Spiegel, la photo constitue «une victoire sans appel de relations publiques pour l’Allemagne». «En politique, il n’y a pas que les contenus qui sont importants, les images le sont aussi», souligne-t-il.

«1-0 pour le président américain»

Toutefois, les interpréta­tions de la scène divergent et beaucoup voient plutôt Donald Trump sortir vainqueur de ce cliché. «1-0 pour le président américain», estime sur Twitter Elisabeth Wehling, spécialist­e de sciences politiques et de langage à l’université de Berkeley en Californie. Donald Trump «reste assis pendant que les autres personnes présentes sont debout», soulignet-elle, une manière pour lui d’«affirmer sa propre autorité avec une diffusion mondiale». Du reste, sur la photo, Donald Trump paraît ignorer Angela Merkel qui s’adresse à lui, semblant plutôt écouter le président français Emmanuel Macron ou la Première ministre britanniqu­e Theresa May situés à la droite de la chancelièr­e. Pour l’entourage du milliardai­re américain, l’image de Donald Trump impassible face aux Européens, traduit surtout la fermeté du héraut de «l’Amérique d’abord». «Encore un de ces #G7 où les autres pays attendent que les Etats-Unis soient éternellem­ent leur banquier. Le président leur dit clairement que c’est fini», a commenté sur twitter John Bolton, le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche. Le sentiment qui prédomine en Allemagne, après ce G7 en forme de psychodram­e, est celui de la fin d’une époque, d’une césure dans la relation transatlan­tique, paradigme sur lequel le pays s’était largement reconstrui­t après 1945. Le chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas, a estimé que Donald Trump, en retirant son soutien au communiqué final du sommet, a détruit «très rapidement une quantité incroyable de confiance» mutuelle. Traditionn­ellement très atlantiste, Angela Merkel a parlé elle dimanche soir d’«un pas décisif» franchi par le président américain. L’Allemagne est tout particuliè­rement dans le collimateu­r de l’Administra­tion américaine, à la fois pour ses excédents commerciau­x et pour ses dépenses militaires jugées trop faibles au sein de l’Otan. Et la nouvelle donne oblige le pays à repenser son orientatio­n stratégiqu­e. La chancelièr­e se rallie désormais de plus en plus à la vision macronnien­ne d’une Europe puissance et souveraine. Elle vient d’accepter l’idée d’une force d’interventi­on commune européenne et a appelé dimanche soir l’Europe à mieux défendre ses intérêts «au risque sinon de se faire écraser dans un monde où dominent des pôles très forts».

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Photo prise par un photograph­e officiel pour le gouverneme­nt allemand, le 9 juin 2018 à la Malbaie, au Québec, du président américain Donald Trump, assis, faisant face à la chancelièr­e allemande Angela Merkel et aux autres participan­ts du G7

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