La Presse (Tunisie)

Nadal n’a pas rendu Roland-Garros ennuyeux

Vainqueur pour la onzième fois, Rafael Nadal aurait tué tout suspense et spectacle. Mais c’est être peu reconnaiss­ant face à la contributi­on de l’Espagnol au tennis, estime la journalist­e Elisabeth Pineau.

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Gagner la décima, c’était pour lui «très spécial». Gagner la undécima, ce fut donc logiquemen­t «très, très spécial» . Rafael Nadal a remporté dimanche 10 juin un onzième titre à Roland-Garros et «c’est sans doute l’un des plus grands exploits de l’histoire du sport» , dixit le vaincu, Dominic Thiem. C’est presque le double de Björn Borg, longtemps détenteur d’un record qu’on croyait imbattable (6). Et autant que Lendl, Wilander, Kuerten, Federer et Djokovic réunis. Voilà pour le vertige. Mais tous les lecteurs n’apprécient pas la statistiqu­e à sa juste valeur. «Je regarderai de nouveau le tournoi de Roland-Garros quand Nadal aura pris sa retraite, que j’espère imminente» , commentait l’un d’eux hier soir. «Roland-Garros n’a jamais été aussi peu intéressan­t que depuis l’ère Nadal. Plus de suspense, jeu ennuyeux et stéréotypé du fond du court, adversaire­s frileux. Bref, Nadal a vraiment tué ce tournoi» , écrivait un autre des contempteu­rs de l’Espagnol. Pour le jeu stéréotypé de fond de court, on repassera. Notre ami lecteur a dû laisser la télé à la cave depuis dix ans. «Le taurillon des premiers sacres n’a plus grandchose à voir avec le Nadal de 32 ans. Le joueur, qui pilonnait l’adversaire jusqu’à ce que faute s’ensuive et galopait comme un dératé après chaque balle, prend désormais le temps d’analyser. Les interminab­les rallyes ont laissé place à des schémas de jeu réduits. Lui, le défenseur-né, est aussi devenu un des meilleurs volleyeurs du circuit» . Nadal avait réinventé Nadal.

«Demolition party»

Passons. Aujourd’hui, l’objet du débat n’est pas là. Pour le manque de suspense, en revanche, on peut difficilem­ent lui donner tort. Comme en 2017, comme en 2013, comme en 2011, comme en 2010, comme en 2008… bref, comme ce fut le cas presque invariable­ment, la finale a été le plus souvent léthargiqu­e (on surprit même un confrère piquer un roupillon au milieu du premier set, mais peut- être était-ce les effets de la digestion ou tout simplement le contrecoup de la quinzaine ?). Dimanche, le court Philippe-Chatrier, qui vivait ses dernières heures avant d’être en partie détruit, organisait sa «demolition party». La deuxième de la journée, après celle orchestrée un peu plus tôt par le bulldozer Nadal face à Thiem (6-4, 6-3, 6-2). Pour avoir sa dose de dramaturgi­e et assister à une finale alliant niveau de jeu, audace et retourneme­nts de situation, comme ces dernières années, il fallait se tourner du côté des dames – en l’occurrence de Sloane Stephens et Simona Halep (victorieus­e en trois sets 3-6, 6-4, 6-1). Mais banaliser les onze victoires de Rafael Nadal, c’est nier combien l’Espagnol est un modèle d’abnégation en faveur de son sport. Avec Roger Federer, aujourd’hui sur le circuit, il est le seul à ne pas s’habituer à la victoire. Ou, plus exactement, à exécrer à ce point la défaite. Toni Nadal ne disait pas autre chose il y a quelques semaines : «Ce qui singularis­e la génération des Djokovic, Rafael, Federer et les autres, c’est qu’ils étaient prêts à faire plus de concession­s. Leur engagement est total, c’est pour ça qu’ils ont gagné plus que les autres ». Et qu’ils continuent de le faire, la trentaine passée (Nadal a fêté ses 32 ans le 3 juin) ou bien tassée (Federer aura 37 ans le 8 août). Comme on a pu le voir encore durant cette quinzaine et de façon patente contre Schwartzma­n, Del Potro et Thiem, Nadal n’est jamais rassasié. Il ne veut pas seulement gagner le match, il veut gagner tous les points. Il ne veut pas seulement tuer le match, il veut achever l’adversaire. Le scénario est peutêtre inéluctabl­e et le spectacle déprimant, mais il est tout à la fois fascinant. Quand la proie halète, quand elle essaie de se sortir la tête de l’eau, l’Espagnol lui saute à la gorge, le lift chaque fois un peu plus tranchant en coup droit. Il démoralise sa victime, l’assomme puis l’asphyxie jusqu’à ce que mort s’ensuive. L’athlète Farès Jelassi a confirmé son retour en force après une méchante blessure qui l’a éloigné des pistes une année durant. A l’issue de la 2e et dernière journée du Championna­t méditerran­éen (U23 ) organisé en Italie, Jelassi a remporté haut la main la course du 400 m plat avec un très bon chrono de l’ordre de 45”55, soit à 45 centièmes du record national détenu par Sofiane Labidi. La performanc­e du jeune Jelassi (21 ans) lui permettra, certaineme­nt, de parcourir sa spécialité (le 400 m haies) en moins de 50 secondes. Avec cette vitesse de base et en améliorant sa technique de passage de haies, Farès Jelassi fera sans doute parler de lui à l’échelle internatio­nale.

Chenini piégé tactiqueme­nt

A l’issue de la même journée, Riadh Chenini, auteur à deux reprises d’un bon chrono cette saison sur la course du 800 m (1’46”51), a été piégé tactiqueme­nt. Il s’est classé second avec un temps au-dessous de ses moyens (1’50”57), se contentant d’une médaille d’argent. De son côté, l’équipe du relais 4x400 m a décroché une médaille

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