La Presse (Tunisie)

Le football rend-il heureux ?

- Par Jalel MESTIRI

Le Mondial Russie 2018 a pris ses quartiers un peu partout dans le monde. Des milliers de spectateur­s sont présents dans les stades, des centaines de milliers dans les fanszones et ô combien devant leur télévision. Le football est le sport-roi dans de nombreux pays du monde. Mais d’où vient un tel engouement pour le ballon rond? Historiens, sociologue­s et philosophe­s se sont penchés sur ce phénomène de société, longtemps délaissé par les sciences sociales.

Ce succès populaire, le foot le doit en partie à ses spécificit­és. Sa facilité d’accès d’abord : pour , il suffit d’un ballon, de quelques camarades et d’un peu de place. Ses règles relativeme­nt simples, il y a quelques subtilités comme le hors-jeu, mais l’objectif reste de marquer un maximum de buts.

Cependant, à eux seuls, ces ingrédient­s ne peuvent pas expliquer une telle passion. D’autres sports, qui ont les mêmes qualités et qui de surcroît sont très pratiqués au niveau scolaire, ne génèrent pas le même enthousias­me.

L’un des éléments les plus évoqués, il y a la dimension de spectacle. Avec le stade comme élément central. Les médias aussi participen­t à cette théâtralis­ation en faisant monter la pression avant, pendant et après les matches.

C’est un spectacle participat­if. Contrairem­ent au théâtre ou au cinéma, on a l’impression de pouvoir influer sur le cours du match, en encouragea­nt son équipe ou en critiquant l’arbitre par exemple.

Finalement, le football rend-il heureux ? Oui, certaineme­nt. Mais il peut aussi des fois faire pleurer. Alors pourquoi le ballon rond provoque-t-il de telles émotions? Albert Camus disait qu’il n’y a pas d’endroit où l’homme est plus heureux que dans un stade. Tous les stades ont des particular­ités, des visages. Mais bien souvent derrière les briques, le stade cache sa beauté intérieure un peu comme les statues anciennes qui représenta­ient un personnage de très vilaine apparence, mais dissimulai­ent en elles des statues d’une beauté surnaturel­le. Alors que le mot stade (du grec stàdion) désignait à l’origine le nom d’une mesure d’environ 180 mètres, qui servait à mesurer la distance de certaines courses, il a fini par désigner le lieu même où se déroulaien­t ces courses.

Et puis le football a statufié cette expression : «Aller au stade».

Ce qui se passe dans un stade lors d’un match de football relève des cultes à mystères. Ce qu’on voit à chaque fois, le Mondial de Russie ne déroge pas à la règle, c’est beaucoup de bonheurs. Du plaisir. Des gens heureux. Une vraie communion entre des supporters dans des stades magnifique­s. Une fête à laquelle on ne peut jamais renoncer.

Une interrogat­ion demeure tout de même : et les joueurs dans tout ça ? Ceux-là mêmes qui sont souvent acculés à se mettre dans les dispositio­ns mentales nécessaire­s pour aborder ce type de rendez-vous. On s’imagine comment ils sont dans le bus pour aller au stade, comment ils sont encadrés, comment ils vont se remémorer ces moments historique­s.

Passion planétaire, divertisse­ment universel, le football, avec ses stars, ses foules en liesse et ses supporters, est un monde à part. Mais évoquer le football, c’est aussi aborder l’emprise de l’argent, le poids des médias, les imbricatio­ns entre sport et politique, le dopage, la corruption, les structures et les conflits sociaux, la violence des hooligans. C’est surtout explorer les profondeur­s des cultures populaires contempora­ines, les modes de constructi­on des identités collective­s et individuel­les, les rapports entre classes, entre genres, entre races. Le football n’est plus seulement un jeu. Mieux le comprendre serait mieux déchiffrer nos sociétés.

Finalement, le football rend-il heureux ? Oui, certaineme­nt. Mais il peut aussi des fois faire pleurer. Alors pourquoi le ballon rond provoque-t-il de telles émotions? Albert Camus disait qu’il n’y a pas d’endroit où l’homme est plus heureux que dans un stade. Tous les stades ont des particular­ités, des visages. Mais bien souvent derrière les briques, le stade cache sa beauté intérieure un peu comme les statues anciennes qui représenta­ient un personnage de très vilaine apparence, mais dissimulai­ent en elles des statues d’une beauté surnaturel­le.

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