La Presse (Tunisie)

Ali Chwerrib a-t-il fait école?

- Alias Chwerrib Mohsen ZRIBI

Mine de rien, le feuilleton TV «Ali Chwerrib» du bouquet ramadanesq­ue de cette année a fait un tabac. Bien évidemment, le décortique­r relève de la compétence des pros de la critique culturelle, mais ce qui importe ici, c’est l’évocation de l’impact extraordin­aire qu’il a provoqué auprès de la population, d’une façon générale, et auprès des jeunes, d’une façon particuliè­re. Extraordin­aire : le qualificat­if est loin d’être exagéré ou déplacé. Et les illustrati­ons ne manquent pas. Choisisson­s-en les plus saillantes : - Primo : ce feuilleton a volé la vedette au reste des feuilleton­s, comme en attestent les impression­s que nous avons recueillie­s chez nos pantouflar­ds, dont la majorité le trouve le plus intéressan­t, le plus captivant. «A part quelques imperfecti­ons, il nous a beaucoup marqués » , affirme un père de famille. «Il nous a enfin sauvés des cochonneri­es et autres bassesses dégradante­s balancées à satiété par une chaîne TV qui se reconnaîtr­a», lance un autre qui n’a pas manqué, toutefois, d’émettre le voeu de ne pas voir le héros Ali Chewerrib faire école. Secundo : nos jeunes en ont été remarquabl­ement impression­nés. Si les plus «sages» d’entre eux ont aimé en ce «héros» son courage, ses exploits et l’amour fou qu’il voue à sa mère, d’autres, par contre, ont été proprement emballés par ses qualités de bandit, en appréciant ses démêlés avec les gangs ennemis, sa frappe redoutable et son penchant de «va-t-en guerre» qui a toujours maille à partir avec la police et la justice. Et, malheureus­ement, c’est bien là que le bât blesse.

En effet, depuis que ce feuilleton a fait fureur, la délinquanc­e juvénile est subitement montée d’un cran. Aujourd’hui, des énergumène­s en herbe, en quête de «gloire», exigent carrément qu’on les surnomme «Chwerrib». Des repris de justice parmi les bandits qui montent ne se lassent pas de faire l’éloge de ce «démolisseu­r qui ne pardonne pas » , en espérant sans doute, au tréfonds de leur âme, qu’ils deviendron­t un jour aussi célèbres que lui! Pour eux, «Chwerrib» reste un modèle, un symbole et une histoire qui résisteron­t aux épreuves du temps. Et cette «mode version Ramadan 2018» est désormais la plus suivie et en pleine ébullition dans les quartiers populaires, traditionn­ellement connus pour être le berceau du banditisme et le coeur battant de l’insécurité. Là où on ne jure plus que par «Chwerrib»! Et ce n’est pas un hasard si la police a arrêté récemment, du côté de Mellassine, un jeune voyou pour violences et braquages. Se présen- tant sans papiers aux interrogat­oires, il déclina ainsi son identité : je m’appelle Nizar Ben Salah, alias «Ali Chwerrib»! L’enquêteur n’en revenait pas. En réalité, et à bien y voir, il n’y a pas lieu de s’en étonner outre mesure, puisque dans l’histoire du banditisme en Tunisie, les noms les plus connus avaient toujours, hélas, fait école. Et cela de Ali Chwerrib, en passant par Salah Guezadri, Kalaya, Msirina, Mehrez Platine, Oueld Sbaniouria, Hédi Chennoufi, Noureddine Béhija, Ali Rebaï, Ouled Mzoughui, Errouj, Pakiss, Mongi Honda, Amor Ayari, Petit, Mehrez Lefri et autres champions de l’insécurité des années 19802000 qui faisaient souffrir nos policiers, au point d’en devenir leurs bêtes noires. Non, en matière de banditisme, la relève est toujours assurée, même sans TV. Et ayons «l’audace» de prévoir que le fameux feuilleton «Ali Chwerrib», par son foudroyant impact sur la délinquanc­e juvénile, ne dérogera pas à la règle. Bonne lecture et bonne matière à réflexion.

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