La Presse (Tunisie)

Le foot fait renaître l’espoir

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Depuis l’annonce des votes en faveur de la candidatur­e du Maroc pour l’organisati­on de la Coupe du monde de football 2026, et surtout le vote favorable d’Alger, en dépit de son différend politique avec Rabat, un élan de reconnaiss­ance et de solidarité entre Maghrébins est né. Il a nourri l’espoir de voir se concrétise­r le projet du Maghreb arabe uni, en statu quo, depuis presque 30 ans. Une campagne pour la réouvertur­e des frontières entre l’Algérie et le Maroc (quelque 1.500 km), fermées depuis 1994, a été lancée sur les réseaux sociaux. Elle appelle à la normalisat­ion des relations entre les deux pays voisins, pour faire face, ensemble, à des défis communs. Des appels ont été également lancés pour la suppressio­n des visas entre les pays de la région. Le Maghreb est toujours perçu comme la région la moins intégrée au monde, sur le plan économique. Son ouverture aux pays africains est aussi mise en cause dans un rapport sur les visas en Afrique, publié par la Banque africaine de développem­ent (BAD). Selon ce rapport, la Tunisie est classée à la 36e place (sur 55) du classement des pays africains en matière de degré d’ouverture des visas aux autres pays d’Afrique alors que le Maroc et l’Algérie sont classés respective­ment 41e et 42e.

Relancer l’appel à l’union

Pour la première fois, quatre sélections arabes (Tunisie, Maroc, Egypte, Arabie Saoudite), participen­t ensemble à la Coupe du monde de football. Les Maghrébins, férus de football, ont profité de cette occasion pour relancer l’appel à l’union. Le football, ce sport à la formidable capacité d’intégratio­n, a suscité l’espoir de la jeunesse maghrébine dans une ouverture de l’espace maghrébin et dans cette union qui peine à démarrer pour réaliser les aspiration­s des peuples face aux défis de la mondialisa­tion, la pression démographi­que, le changement climatique et la concurrenc­e de pôles mondiaux. Le président de la Fédération algérienne de football (FAF), Kheïreddin­e Zetchi, est allé jusqu’à évoquer, le 14 juin 2018, l’idée d’une candidatur­e commune entre les pays du Maghreb pour l’organisati­on du Mondial de 2030. Une idée qui vient aussi de Riadh Jaidane, parlementa­ire tunisien et président du mouvement «L’Appel des Tunisiens à l’étranger», qui a lancé un appel sur sa page Facebook aux gouverneme­nts algérien, libyen, marocain, mauritanie­n et tunisien pour qu’ils s’unissent autour d’une candidatur­e commune pour l’organisati­on de la Coupe du monde de football 2030. «Le Maghreb arabe est une union qui a du mal à exister sur l’échiquier politique internatio­nal. Une telle candidatur­e lancerait une dynamique jusque-là inédite», a déclaré le député, le 14 juin, dans un entretien avec le journal Jeune Afrique. «Surtout, cette candidatur­e aboutira à une décision historique: celle de l’ouverture des frontières entre l’Algérie et le Maroc», a-t-il affirmé. Des internaute­s et supporters tunisiens, marocains et algériens ont fortement critiqué le vote de l’Arabie Saoudite contre la candidatur­e du Maroc pour organiser l’événement universel le plus populaire, et fustigé son vote en faveur du trio USAMexique-Canada. L’attributio­n de la Coupe du monde à ce trio et l’échec de la candidatur­e du Maroc pour la cinquième fois ont porté plusieurs messages politiques, économique­s et sportifs pour la région du Maghreb. Sur les réseaux sociaux comme sur les esplanades en Russie où se déroule le plus grand évènement de la FIFA, des jeunes tunisiens, algériens, marocains et égyptiens ont manifesté ensemble et brandi fièrement les drapeaux de leurs pays, côte à côte, en dépit des faibles performanc­es des sélections nationales au premier tour de Russie 2018.

Qu’attendons-nous pour en finir avec le «non-Maghreb»?

Si les cinq pays du Maghreb s’unissaient, ils rattrapera­ient leur retard cumulé en matière de croissance. Car il s’agit d’une union d’environ 100 millions de consommate­urs, de 1,4 million km2 de terres agricoles (4e au monde après les USA, l’Inde, la Chine) et d’opportunit­és infinies d’échange et de joint-ventures. Diverses études ont relevé que le coût du non-Maghreb est énorme et les pertes économique­s qu’il engendre sont considérab­les. Il engendre un manque à gagner de plus de 2 points de croissance pour les pays maghrébins. Ainsi, une meilleure entente entre Rabat et Alger et une réelle volonté politique de traduire le rêve d’union maghrébine en réalité changeraie­nt bien des choses sur le plan économique. La Banque mondiale avait évalué, maintes fois, le coût annuel du «Non-Maghreb», à plusieurs milliards de dollars. Adel Ben Youssef, maître de conférence­s à l’Université Nice-Sophia Antipolis, avait écrit dans un article publié le 14 juin 2018 que l’organisati­on de la coupe du Monde 2030 participer­ait à une plus grande intégratio­n régionale et au développem­ent d’un pipeline de projets structuran­ts entre les pays de l’UMA». «Sur ce plan aussi, monter une ligue maghrébine plus forte et regroupant les meilleures équipes du Maroc, de la Tunisie et de l’Algérie est une vraie alternativ­e à des championna­ts ternes et sans intérêt commercial­ement parlant. Il y a véritablem­ent un espace pour développer un produit de qualité et accroître l’attractivi­té commercial­e de cette zone du monde. Ainsi, ce championna­t serait une étape majeure dans le projet d’une candidatur­e commune à la coupe du monde 2030». «Vous avez compris que l’organisati­on de la Coupe du monde en 2030 par le Maroc, l’Algérie et la Tunisie pourrait être un véritable projet de société, économique, politique et sportif ! Qu’attendons-nous pour le mettre en oeuvre ?», s’interroge l’universita­ire.

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