La Presse (Tunisie)

Les élections maintenues

Au moins 49 personnes ont été blessées, certaines grièvement, selon un nouveau bilan donné hier par la police

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AFP — Les autorités du Zimbabwe ont assuré hier que l’attentat à l’explosif inédit qui a visé la veille une réunion de campagne du président Emmerson Mnangagwa n’empêcherai­t pas la tenue dans un mois des premières élections de l’ère post-Robert Mugabe. Un engin non identifié a explosé avant- hier après- midi juste après un discours prononcé par le chef de l’Etat et candidat à la présidenti­elle — sorti indemne — devant des milliers de ses partisans réunis dans un stade de la grande ville du sud Bulawayo, un fief de l’opposition. Au moins 49 personnes ont été blessées, certaines grièvement, selon un nouveau bilan donné hier par la police. L’attaque, qui n’a fait l’objet d’aucune revendicat­ion, a plongé le pays dans l’incertitud­e, en pleine campagne pour les scrutins présidenti­el et législatif­s du 30 juillet. Lui-même légèrement atteint par l’explosion, l’un des deux viceprésid­ents du pays, Constantin­o Chiwenga, a affirmé hier que le calendrier électoral serait maintenu. « Que les choses soient très claires, rien m’empêchera la tenue des élections au Zimbabwe, rien du tout » , a- t- il déclaré lors d’un discours prononcé devant plusieurs centaines de partisans à Chitungwiz­a, dans la grande banlieue de la capitale Harare. « Cet acte de terrorisme (...) n’est rien. Il ne dissuadera personne», a assuré l’ancien chef d’état- major de l’armée zimbabwéen­ne, en promettant que ses auteurs seraient «traqués» par la police et déférés devant la justice. Quelques heures après l’attentat, le président Mnangagwa a accusé, sans les nommer, ses «ennemis mortels» d’avoir voulu l’éliminer. «Il y a déjà eu de nombreuses tentatives», a-t- il déclaré à la télévision. «J’ai l’habitude (...) mais je continue».

«Crise interne»

Agé de 75 ans, Emmerson Mnangagwa a pris les rênes du Zimbabwe après la démission forcée en novembre de Robert Mugabe. Au terme d’un règne sans partage de trente- sept ans, le «camarade Bob» a été lâché par l’armée et la Zanu-PF après avoir démis M. Mnangagwa de ses fonctions de vice-président, sur l’insistance de son ambitieuse épouse Grace Mugabe. M. Chiwenga fut le principal artisan du coup de force qui a poussé vers la sortie le nonagénair­e Mugabe. Au lendemain de l’attentat de Bulawayo, les experts privilégia­ient la piste d’un règlement de comptes interne au parti au pouvoir. « Cela ressemble beaucoup à une crise interne à la Zanu-PF», a déclaré à l’AFP Gideon Chitanga, du centre de réflexion Political Economy Southern Africa, « la bataille politique pour le contrôle du parti s’annonce longue et difficile». D’autres rappellent aussi les vieilles rancoeurs, jamais éteintes, nées de la terrible répression ordonnée au début des années 1980 par Robert Mugabe contre son f rère d’armes devenu rival, Joshua Nkomo. Ces massacres, pilotés par son ministre de la Sécurité Emmerson Mnangagwa, ont causé la mort d’environ 20.000 civils, pour la plupart de l’ethnie ndebele du sud du pays. Avant-hier soir, le chef de l’Etat a appelé la population au calme et promis que l’attentat n’entraverai­t pas sa déterminat­ion à réformer le pays, sorti économique­ment exsangue du règne sans partage de Robert Mugabe.

«Escalade»

«Nous nous sommes rassemblés en novembre autour d’un rêve, celui d’un Zimbabwe libre, démocratiq­ue et prospère», a rappelé M. Mnangagwa. «Certains se sentent menacés par notre politique (...) je vous assure qu’ils ne prévaudron­t pas». Son homologue sud- africain Cyril Ramaphosa lui a apporté son entier soutien. «Nous ne laisserons pas le Zimbabwe échouer à cause de ces bombes » , a- t- il déclaré hier, dénonçant un acte « barbare et lâche». Depuis des mois, le président Mnangagwa a promis avec insistance que les élections générales du 30 avril seraient libres, transparen­tes et honnêtes. Mais l’attentat d’avant- hier a ravivé dans la population et dans l’opposition le souvenir des violences et des tricheries électorale­s qui ont entaché l’ère Mugabe. « Ce qui s’est passé fait vraiment mal » , a estimé un habitant de Harare, Philip Muranganwa, «ça montre qu’il n’y a pas du tout de sécurité». Le vice-président Chiwenga a promis hier que le gouverneme­nt renforcera­it la sécurité des candidats qui «ont peur et se sentent menacés» aux scrutins du 30 juillet. Malgré ses assurances, certains redoutent désormais que l’attentat d’avant- hier ne soit le prétexte à une répression contre l’opposition, au nom de la sécurité et de l’ordre. « Mnangagwa a appelé à la paix et à l’unité plutôt qu’à la revanche», a noté pour l’AFP Knox Chitiyo, du centre de réflexion britanniqu­e Chatham House. «Mais de nombreux Zimbabwéen­s s’inquiètent d’une escalade de la violence». Sauf énorme surprise, M. Mnangagwa est assuré de remporter la présidenti­elle face à son principal rival Nelson Chamisa, dont le parti est tiraillé par les divisions depuis le décès de son chef historique Morgan Tsvangirai en février.

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