Pourquoi ça n’a pas marché?
Des choix plus que discutables, des erreurs individuelles collectives dignes de «petits» joueurs, et une distraction qui a trop duré; cette défaite nous a mis face à notre amère réalité. Explications.
Cette large et frustrante distraction qui a commencé le lendemain d’une chanceuse et pénible qualification au Mondial (miracle à Kinshasa, 6 points suspicieux dans les deux premiers matches, et ce dernier match pitoyable devant la Libye qui n’a pas cherché à gagner), s’est éteinte après ce score-fleuve contre la Belgique. Une défaite plus que ridicule comme l’a dit N. Maâloul; c’est une défaite pleine de leçons amères mais très utiles pour le futur. Pendant des mois et des mois, on a dû supporter cette légèreté, cet excès de confiance et cet entêtement à nier la valeur technique moyenne d’une sélection qui s’est qualifiée à la peine pour le mondial. On a dit et redit que nous sommes en train d’exagérer la valeur de la sélection et de ses joueurs. Et qu’on est en train de leurrer les gens par la prestation lors des matches amicaux qui n’ont aucune importance. Entretemps, et au lieu de se concentrer le maximum sur un événement tel le mondial, les joueurs et leur sélectionneur ont passé le temps à poser devant les photographes pour des campagnes publicitaires et des affiches de toutes sortes. A quelques jours du premier match, ils posaient encore une fois avec des habits traditionnels et un folklore qui n’a rien à voir avec la préparation d’un événement de haut niveau comme le mondial. Non seulement les joueurs et le staff, mais aussi le public et l’Etat également. «Russie, nous venons», ce slogan populaire et populiste traduit le mensonge que nousmêmes, médias, avons contribué à cultiver. Alors, et après ces 5 buts encaissés (et c’est un score honnête qui pouvait être 8 ou 9 !), le réveil après ce cauchemar n’est pas si confortable. Maâloul et ses joueurs doivent regarder la vérité en face : ils sont si moyens, si fébriles, ils ont induit les gens en erreur et brisé le coeur des Tunisiens débarqués en masse à Moscou et des millions des Tunisiens devant leurs télés. Et ça, c’est la pire des choses qui fait mal. A tête plus ou moins reposée, qu’est-ce qui peut expliquer, un tant soit peu, la déroute contre la Belgique ?
Encore les choix
Nabil Maâloul avoue lui-même que son équipe fut «ridicule», et à ce niveau de compétition, c’est un mot lourd en sens et en significations. Perdre 5-2 alors que si la chance avait souri aux Belges, ils auraient pu marquer 9 buts tout faits, cela veut dire que c’est un fiasco. Et dans ce cas, le sélectionneur, avec les choix de joueurs qu’il a fait, est quelque part «ridicule» lui aussi. Par rapport au match de l’Angleterre où on a été passif et incapable de nous créer une seule occasion sérieuse, nous sommes passés d’un extrême à l’autre. Le bloc était avancé, et ce n’est pas là le problème. Le problème alors est que 3 ou 4 joueurs avançaient, et les autres restaient figés ou venaient en retard de quelques secondes sur le porteur de la balle. Il y avait des espaces entre les lignes, des intervalles larges et vides dont Witsel et de Bruyne en profitaient pour «verticaliser» et porter vite le danger dans les seize mètres tunisiens. Mettre Badri et Ben Youssef sur les couloirs «prenables» de la Belgique et laisser Skhiri (quelle déception) et Sassi gérer seuls à plusieurs reprises les relais et les infiltrations de Hazard, Mertens, De Bruyne et Meunier, c’était très risqué. Mettre un Khazri qui aime passer sur les couloirs ou plein axe, en position d’avant centre, était une erreur monumentale. Nous avons joué sans repère offensif, sans fixation, alors que le trio défensif belge était si lourd et faible. La carte Khaoui ? Le joueur a montré de bonnes choses balle au pied mais l’équipe était si perdue et si déséquilibrée que même un ou deux joueurs de moins ou de plus ne pouvaient changer grand-chose. Nabil Maâloul a, encore une fois, raté son match avec beaucoup d’espaces laissés et des risques mal calculés. Défendre, ce n’est pas subir comme c’était face à l’Angleterre, attaquer, ce n’est pas se découvrir et plonger bêtement.
«Petits» joueurs...
Les erreurs défensives surtout et les déchets techniques face à la sélection la plus technique du Mondial ont traduit une vérité que nous voulons nier à tout prix. On n’a pas une grande sélection, et forcément pas de grands joueurs. On les a surestimés, oui, c’est une réalité. Ces matches amicaux où il n’y a aucun enjeu et donc de pression, c’est là où tout le monde peut exceller. Mais sur un match officiel, où il y a un énorme enjeu, c’est là où les grands joueurs, qui ont le mental fort et l’attitude des gladiateurs, se mettent en valeur. Contre la Belgique, on a vu les cadres rater des contrôles de balle (Ali Maâloul en l’occurrence!), des passes faciles, mal couvrir leurs coéquipiers, mal s’aligner, se faire prendre de vitesse. Cela n’a pas un lien seulement avec le mental et la tête, c’est aussi une question technique et de potentiel. Il ne suffit pas de marquer un ou deux buts dans le championnat français, ou gagner un titre avec un club tunisien dans un championnat aussi faible comme le nôtre, pour devenir un grand joueur international. Et même si Msakni et Khénissi étaient là, la valeur technique n’aurait pas changé. Ces deux joueurs sont aussi fragiles et irréguliers. Nous n’avons pas une génération douée, une génération qui attire l’attention, qui enchante, qui sait jouer avec les meilleurs sans le moindre complexe. Qu’ils soient locaux ou expatriés, ils avaient du mal à gérer un match aussi déterminant que celui de la Belgique. Probablement, certains d’entre eux comme Khazri, Khaoui, Sassi, Ben Mustapha ou Bronn étaient bons, mais ils n’étaient pas des «phénomènes» pour faire la différence à ce niveau. Mentalement, ils sont aussi très loin du requis. Ils tombent vite dans l’excès de confiance, dans l’euphorie, ils ont peur des grands matches, ils calent vite au moindre pépin. Pourquoi cela n’a pas marché? On peut alors toucher d’autres points qui vont plus loin que le match de la Belgique. Le «management» de la sélection et le Mondial à tous les niveaux était très moyen. A l’image des footballeurs «gâtés» mais peu sobres, peu humbles, du sélectionneur trop ambitieux, manipulateur, et à l’image de cette «ridicule» communication autour de la sélection. On a mal joué, ou mal préparé les matches, et ce n’est pas le fait de jouer contre plus fort que lui qui puisse justifier cette débâcle. Encore un Mondial raté : le même système, les mêmes réflexes, et des acteurs qui changent pour le même résultat. Cette fois, on a touché le fond.