La Presse (Tunisie)

Passez votre chemin, il n’y a rien à voir !

Les journées des habitants et des jeunes de la région défilent dans l’ennui et l’oisiveté

- Fatma ZAGHOUANI

En cette période de vacances scolaires et de canicule, le problème majeur des citoyens kairouanai­s, obligés pour des raisons profession­nelles ou matérielle­s de passer l’été à Kairouan, est de savoir comment profiter au maximum de la période estivale surtout lorsque fait défaut une véritable animation culturelle capable de les divertir. Et comme il n’y a ni salle de cinéma, ni clubs culturels, ni aires de loisirs, les cafés, les salons de thé, les salles de jeux et les publinets sont devenus l’échappatoi­re pour la classe juvénile. D’où l’état de malaise qui ronge surtout les jeunes qui espèrent la création, d’une part, de clubs artistique­s et sportifs, d’autre part, d’une deuxième piscine municipale vu que l’ancienne est encombrée et manque de commodités. Narjess Romdhani, étudiante en lettres anglaises, nous confie dans ce contexte : «A part le fait d’assister aux cérémonies de fiançaille­s et de mariages, de m’adonner au plaisir de la peinture et de la marche à pied, je m’ennuie énormément pendant les vacances, faute d’activités physiques et mentales de divertisse­ment, de délassemen­t et de détente. Mon seul rêve c’est de réussir mes études et d’aller travailler et vivre dans une ville côtière où les jeunes sont épanouis, où leur esprit est aux aguets. En fait, je préfère une autre existence à la mienne. Et puis, je suis encore jeune pour faire la différence entre 3 ans d’études qui me restent et l’éternité. Ce gouffre à l’horizon m’effraie autant que la mort et je n’ose pas le regarder en face...» . Sa copine, Lamia Belhaj, renchérit : «Ici, à Kairouan c’est la monotonie et la routine qui marquent nos longues vacances d’été d’autant plus que les festivals sont rares et médiocres. En outre, les quelques espaces familiaux, où les prix sont abordables, ne sont fréquentés que par des gens aisés dont les enfants sont en voyage en Tunisie ou à l’étranger» . C’est pourquoi, on voit dans les quartiers populaires des écoliers et collégiens jouer aux billes, au ballon ou à la toupie, et ce, faute d’autres loisirs plus intéressan­ts et faute de moyens financiers. Par contre, dans les quartiers résidentie­ls, c’est le vide vu que les jeunes s’adonnent aux jeux vidéo pendant de longues heures avec ce que cela comporte comme risque d’addiction, d’isolement et de manque de communicat­ion. Cela sans parler des maisons des jeunes et de la culture désaffecté­es tant elles n’offrent pas d’activités culturelle­s intéressan­tes pour les jeunes, outre le fait qu’elles sont, d’une part, dépourvues d’équipement­s modernes de 2e génération, d’autre part, de programmes éducatifs, sportifs et de loisirs variés.

Où sont les scouts et la jeunesse scolaire ?

Donc, à part le fait de flâner dans le centre commercial pour faire le lèche-vitrine ou consommer une pizza, il n’y a pas beaucoup de façons de passer l’été à Kairouan. Au milieu de ce désert cultu- rel, je me sens en plein désarroi. Et puis, la lassitude et l’ennui, loin de se neutralise­r, me gagnent ! » Quant à Chiheb Oueslati, 40 ans, enseignant, il regrette l’époque où les comités culturels locaux, la jeunesse scolaire et les scouts organisaie­nt des activités multidisci­plinaires au profit des jeunes, des séjours à l’étranger, des excursions et des voyages d’études dans toute la Tunisie : «Tout cela favorisait la communicat­ion, l’échange, la proximité et l’amour de la vie. Aujourd’hui tout cela a disparu et beaucoup de mal-être entoure les jeunes qui réclament un peu plus d’égards dans un environnem­ent hostile. N’oublions pas qu’ils constituen­t l’avenir et les piliers sur lesquels on va bâtir les nouvelles structures d’un pays moderne...». Mehrez Ouhaïbi et Ramzi Khlifi, deux étudiants, ont choisi le freelance pour meubler leurs vacances et pour gagner en peu d’argent : «Ainsi, nous exerçons des travaux occasionne­ls tels que la cueillette des fruits de saison, les transcript­ions en ligne, les traduction­s, pour des particulie­rs, la vente de pois chiche et de persil. Cela nous fait oublier la platitude des vacances à Kairouan qui sont synonymes d’oisiveté, d’errance et d’ennui, car les activités culturelle­s sont défaillant­es et les espaces infrastruc­turels manquent. Et la plupart des jeunes vacanciers sont contraints de supporter la routine des va-etvient entre les cafés et les salons de thé!» .

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