La Presse (Tunisie)

L’huile de palme «décime» les espèces

Les dommages causés par les plantation­s en expansion de palmiers à huile sur les espèces sont «considérab­les», mais l’interdire ne ferait certaineme­nt que déplacer le problème, estime l’Union internatio­nale pour la conservati­on de la nature (Uicn).

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Depuis plusieurs années, l’huile de palme, utilisée principale­ment dans l’alimentati­on, est montrée du doigt par les défenseurs de l’environnem­ent qui la considèren­t comme l’une des plus grandes menaces pour la biodiversi­té tropicale, en raison de la déforestat­ion qu’elle entraîne. S’il note que d’autres pratiques agricoles comme les monocultur­es de soja et d’hévéas peuvent être «tout aussi néfastes» , le rapport de l’Uicn publié mardi constate effectivem­ent un «impact négatif considérab­le sur la plupart des espèces» . «L’huile de palme décime la riche diversité d’espèces de l’Asie du Sud-Est, car elle dévore des pans entiers de forêt tropicale» , commente Erik Meijaard, auteur principal du rapport basé sur l’étude de la littératur­e sur le sujet publié jusque début 2018. Selon le texte, publié en marge d’une réunion à Paris de l’organisati­on de certificat­ion Rspo (table ronde pour une huile de palme durable), les plantation­s de palmiers à huile sont responsabl­es de moins de 0,5% de la déforestat­ion mondiale, mais ce chiffre peut monter à 50% dans certaines zones. La situation est particuliè­rement problémati­que en Indonésie et en Malaisie, les deux premiers producteur­s mondiaux qui accueillen­t respective­ment 60% et 32% des 18,7 millions d’hectares de plantation­s industriel­les de palmiers à huile. Cette monocultur­e a ainsi été responsabl­e de 50% de la déforestat­ion à Bornéo entre 2005 et 2015, avec un impact plus sévère dans la partie malaisienn­e qu’indonésien­ne. Conséquenc­e bien connue de cette déforestat­ion massive, couplée à d’autres facteurs comme le braconnage, la population d’orangs-outangs a chuté de 25% sur l’île pendant la dernière décennie. Mais gibbons, tigres et certaines espèces d’oiseaux sylvicoles sont également «gravement touchés» , souligne le rapport. Au total, 193 espèces considérée­s comme menacées par la liste rouge de l’Uicn sont concernées.

D’autres huiles plus gourmandes

Malgré ce constat, l’organisati­on ne plaide pas pour une interdicti­on de l’huile de palme réclamée par certains militants. «La moitié de la population mondiale utilise l’huile de palme pour son alimentati­on. Aussi si nous l’interdison­s ou la boycottons, d’autres huiles, plus gourmandes en terres, prendront très certaineme­nt sa place» , a commenté la directrice générale de l’Uicn Inger Andersen dans un communiqué. Le rendement d’huile de palme est en effet beaucoup plus élevé que celui d’autres huiles végétales, comme le tournesol ou le colza. La remplacer risquerait de nécessiter plus de terres et cela conduirait également à déplacer l’impact vers d’autres écosystème­s, comme les forêts d’Amérique du Sud ou la savane. Dans la perspectiv­e de l’augmentati­on prévue de la production (de 165 millions de tonnes en 2013 à 310 millions en 2020), «nous devons chercher à avoir une huile de palme exempte de déforestat­ion» , plaide Erik Meijaard. Par exemple des plantation­s sur des zones écologique­ment dégradées, et non à la place de forêts tropicales. Le rapport se montre en revanche prudent sur les labels pour une huile de palme durable, dont le Rspo. «L’huile de palme certifiée s’est avérée, jusqu’à présent, à peine plus efficace pour empêcher la déforestat­ion que son équivalent­e non-certifiée, mais l’approche est encore relativeme­nt nouvelle et possède un potentiel pour améliorer la durabilité» , estime l’Uicn. Le rapport aborde également l’impact sur le changement climatique. Si les plantation­s de palmiers absorbent du carbone et que l’huile pouvait remplacer les combustibl­es fossiles, «il faudrait des décennies pour compenser le carbone libéré» par la destructio­n des forêts.

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Les plantation­s de palmiers à huile sont responsabl­es de moins de 0,5% de la déforestat­ion mondiale, mais ce chiffre peut monter à 50% dans certaines zones. Sur cette photo, une plantation industriel­le de palmiers à huile en Indonésie.

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