«Hidden Body», un travail lassant et décousu
La question qui se pose, ces notions très complexes déjà à l’écrit qui requièrent développements et analyses approfondies pour en saisir la signification exacte et pouvoir la communiquer, peuvent-elles être interprétées, traduites, par un spectacle de dan
Les spectacles s’enchaînent dans le cadre de Carthage Danse. Leurs provenances sont diverses, leurs valeurs inégales. C’est normal ! Jeudi après-midi dans le joli théâtre des jeunes créateurs à la Cité de la culture, a été présentée la pièce «Hidden Body» chorégraphiée par la Japonaise Anan Atoyama. La jeune danseuse et chorégraphe a voulu par cette création, nous dit-on, rendre hommage à Kazuo Ohno, danseur et chorégraphe japonais rendu célèbre en Europe par «la légendaire tournée en hommage à la Argentina». Il décède en 2010. Trois danseurs interprètes Anan Atoyama, elle-même, Francesca Cinalli et Rodrigue Ousmane ont eu pour mission de nous ressusciter pendant près de cinquante minutes l’univers de Ohno. Celui qui avait la faculté «de créer en tant que danseur un geste universel en partant d’un sentiment personnel». Au commencement dans le noir on croit apercevoir une ombre arroser des fleurs, il s’avère être des verres transparents de toutes les formes par dizaines, posés à même le sol et occupant la moitié de la scène, l’ombre disparaît. Une jeune silhouette frêle étendue donnée pour morte est emportée par un danseur à différents endroits. Elle finit par ressusciter. La volonté est nette d’occuper l’ensemble de l’espace scénique et de jouer avec l’éclairage, un des éléments forts, peut-être le seul, de la représentation.
Est-ce possible dans l’absolu ?
Autant le dire de suite, après le premier quart d’heure ne voyant rien se passer que des gestes répétitifs à travers des séquences décousues, le public a commencé à se retirer d’abord timidement ensuite par des groupes entiers. Ce n’est pas tant les performances des danseurs qui sont mises en cause, mais l’unicité du spectacle en tant qu’entité esthétique et thématique pourvoyeuse d’émotions. Les danseurs déambulaient, titubaient, se contorsionnaient, accomplissaient des gestes, disparaissaient de la scène et revenaient. La salle ou ce qui en restait était exclue de l’atmosphère tentée par la chorégraphe, si atmosphère il y avait. A défaut donc, nous avons fait des recherches pour essayer de percer le mystère de l’oeuvre. Dans un document PDF, disponible sur le net, la chorégraphe Atoyama présente son projet artistique. Elle précise en l’occurrence que «le travail de Hidden Body est de suivre le chemin créatif que Kazuo Ohno empruntait pour danser et de voir ou cela nous mène aujourd’hui. Ce chemin lui était guidé par sa croyance en une énergie unique unissant toutes choses. Il n’a eu de cesse d’expérimenter comment son corps humain pouvait exprimer cette unicité. Comment manifester à la fois l’espace infini, en extension, et celle du temps en contraction, où passé et futur se confondent. Chercher l’universel au travers d’une forme individuelle était le coeur de son travail». La question qui se pose, ces notions très complexes déjà à l’écrit qui requièrent développements et analyses approfondies pour en saisir la signification exacte et pouvoir la communiquer, peuvent-elles être interprétées, traduites, par un spectacle de danse, de cinquante minutes, par trois jeunes danseurs, chorégraphe comprise, dans un décor minimaliste et sans texte à l’appui? La réponse est non, du moins si l’on se réfère à ce qui nous a été donné à voir. D’ailleurs est-ce possible, faisable, dans l’absolu ? Lorsqu’un travail artistique nécessite qu’on fasse des recherches pour essayer de comprendre ce qu’on a voulu nous dire, le mal vient-il de nous ou du créateur lui-même ? Pour finir, celui à qui on a voulu rendre hommage, Kazuo Ohno, disait à ses élèves «il n’y a rien à enseigner de ma part». Rien à tirer de Hidden body non plus. On s’en est lassé assez vite.