La Presse (Tunisie)

Tissages d’une mémoire à D/composer

«Ces papiers ont leur propre vie. Ils ont gagné une histoire et me rappellent des points de suture de la mémoire qui reste» .

- N.T.

Durant tout le mois de juillet, l’exposition «Narratives of Displaceme­nt» de l’artiste visuelle chilienne Catalina Swinburn est à découvrir à la galerie Selma Feriani. Elle fait également partie de la tournée des galeries proposée dans le programme de «Jaou Tunis 2018» pour la journée du dimanche 1er juillet. Du titre, l’on retient l’éloquence et la poésie mais aussi le pluriel de «Narratives» et le singulier de «Displaceme­nt» qui se font face en jeu de miroir, séparés par le «of». L’artiste considère donc le déplacemen­t avec un grand D, dont elle propose des narrations, ses narrations qui s’inscrivent dans la continuité de ses travaux sur les territoire­s et les frontières. Son oeuvre se conjugue en sculpture, installati­on, photograph­ie et vidéo. Après une première sculpture en papier, «O terra Addio», cette dernière forme accueille les visiteurs de son exposition. Elle y filme l’acte de remettre en place, une à une, les pages déchirées d’un livre historique sur la Tunisie. Une vidéo manifeste, où elle expose la matière qu’elle va utiliser dans ce travail et déclare ses intentions : récrire, recomposer, replacer le déplacé. Une vidéo à laquelle elle donne le nom de «Des/composure». Les appellatio­ns se poursuiven­t dans cet esprit pour proposer «Un paysage alternatif» (la frontière parfaite), «Les fissures comme métaphores de résistance», «Pas d’horizon», «Pas de terre» ou encore «Les chagrins de l’absence». Le minutieux et patient travail de tissage à partir de livres historique­s, archéologi­ques, de cartes anciennes et de partitions de musique les transforme en capes qui portent dans leurs plis et fissures les secrets de territoire­s et d’histoires connus et inconnus, conquis ou abandonnés, reflets des âmes qui les ont habités, construits, détruits ou quittés. Une exploratio­n de la part de l’artiste d’une réalité qui se transforme, de frontières qui rétrécisse­nt et se dilatent, qui transforme­nt le rapport à l’appartenan­ce et à la possession. Des capes érigées en papier ou imprimées sur le marbre, comme on grave sur la pierre un message du passé destiné à rester. Comme pour marquer le fait que nous sommes quelque part dans le futur de ces histoires et territoire­s que l’on reçoit/subit en héritage. Extrait de la présentati­on de l’exposition : «Où était cet objet dans le temps et l’espace avant l’exposition? A-t-il pris la forme de mon corps? Quels souvenirs aura-t-il? Quels récits dira-t-il et où ira-t-il?» Ce sont là quelques questions que Catalina Swin- burn pose avant, pendant et après chaque performanc­e. Elle explique : «Ces papiers ont leur propre vie. Ils deviennent une sculpture, un corps abandonné qui a une histoire, qui trace sa forme. Ils ont gagné une histoire et me rappellent des points de suture de la mémoire qui reste. Toutes les catastroph­es culturelle­s autour du monde où les sites culturels ont été déplacés et d’autres détruits» .

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia