La Presse (Tunisie)

Des industriel­s français veulent garder un pied sur le marché

«Des représenta­nts de Renault et PSA explorent les moyens de maintenir leur présence en Iran et d’assurer leur importante collaborat­ion avec les constructe­urs locaux», affirme le vice-ministre iranien de l’Industrie, Mohsen Salehinia

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AFP — Respecter l’embargo américain sans lâcher les partenaire­s à Téhéran... Les constructe­urs automobile­s français cherchent la quadrature du cercle sur le marché iranien, crucial pour eux, et examinent tous les moyens pour y garder un pied malgré le retour des sanctions américaine­s. «On n’abandonner­a pas (l’Iran). Même si nous devons réduire la voilure très fortement», a lancé le PDG de Renault Carlos Ghosn, lors de l’assemblée générale du groupe le 15 juin. Mais, cultivant l’ambiguïté, il a aussitôt ajouté que cela ne se ferait «pas au détriment des intérêts» de l’entreprise: pas question de s’exposer à des sanctions américaine­s. Que signifiera­it une « voilure réduite»? Renault n’a pas souhaité préciser. Le groupe semblait prendre le contre-pied de son rival PSA qui avait annoncé au début du mois «avoir commencé le processus de suspension des activités de ses joint-ventures afin de se conformer à la loi américaine d’ici le 6 août 2018», date fixée par Washington pour le retour des sanctions, après l’annonce par Donald Trump que les EtatsUnis se retiraient de l’accord internatio­nal de 2015 sur le nucléaire iranien. Comme pour Renault, ces entreprise­s communes avec des acteurs locaux iraniens devaient assembler des véhicules sur place à partir de pièces importées ou produites localement. Pour autant, PSA ( avec ses marques Peugeot, Citroën et DS) ne compte pas davantage que Renault se retirer complèteme­nt de ce pays qui représente son plus grand marché étranger en volume. Des discussion­s avec toutes les parties se poursuiven­t pour éviter une rupture. «Des représenta­nts de Renault et PSA explorent les moyens de maintenir leur présence en Iran et d’assurer leur importante collaborat­ion avec les constructe­urs locaux», a affirmé le viceminist­re iranien de l’Industrie, Mohsen Salehinia, cité cette semaine par des médias de son pays. «Nous recherchon­s des mécanismes pour permettre à toutes les parties d’honorer leurs engagement­s», a-t-il ajouté. Plusieurs réunions se seraient tenues récemment à Téhéran. Parallèlem­ent, des négociatio­ns se poursuiven­t avec les Américains, avec le soutien de l’Etat français. «Nous attendons toujours des informatio­ns des autorités américaine­s sur comment leurs sanctions s’appliquero­nt. De nombreux points techniques, mais très importants, restent flous», confie une source gouverneme­ntale française. A ce stade, l’obtention d’une exemption semble toutefois improbable.

Présence symbolique

A eux deux, Renault et PSA écoulent près de la moitié des voitures neuves immatricul­ées en Iran. C’est le huitième marché pour Renault, derrière le Brésil, mais devant le Royaume-Uni, avec plus de 160.000 véhicules vendus en 2017. A lui seul, PSA pèse plus d’un tiers du marché, avec 444.600 véhicules vendus l’an dernier. Difficile de rompre, donc, d’autant que les Iraniens pourraient se montrer rancuniers dans la perspectiv­e d’une levée future des sanctions. Les constructe­urs français s’efforcent de démontrer aux Iraniens leur bonne volonté, ce qui peut expliquer le volontaris­me affiché par Carlos Ghosn et l’activisme plus discret de PSA. Selon une source française bien informée, PSA «va essayer de rester comme partenaire dormant en Iran», en attendant l’après-Trump ou une éventuelle volte-face du président américain. Interrogé par l’AFP, PSA renvoie vers ses déclaratio­ns précédente­s. Cependant, le groupe ajoute qu’il envisage de poursuivre l’importatio­n en Iran de véhicules déjà montés, une activité pas soumise à sanctions, contrairem­ent aux co- entreprise­s, mais qui limiterait considérab­lement les perspectiv­es de volumes. Il pourrait ainsi continuer de vendre quelques centaines ou milliers de véhicules par an... De quoi maintenir une présence, même symbolique. Du côté iranien, on se souvient que durant la précédente période de sanctions, de 2012 à 2016, Renault avait poursuivi ses activités, démarrées en 2004, contrairem­ent à PSA qui s’était retiré sous la pression de son actionnair­e d’alors, l’américain General Motors. La présence de PSA en Iran remontait pourtant à 1979. Durant les sanctions, « nous avons continué de fabriquer des voitures Peugeot» en assemblant des pièces «en provenance d’autres pays», a expliqué à l’AFP Najafi Manesh, président de la fédération des équipement­iers iraniens (Ismapa), en déplacemen­t à Paris cette semaine. «Il y a toujours des solutions pour continuer, nous trouverons un chemin». Si les Français ne travaillen­t plus avec nous, «nous avons d’autres choix» de partenaria­ts industriel­s, a affirmé pour sa part le président de la chambre de commerce iranienne, Gholam Hossein Shafei, citant «les pays d’Asie de l’Est» et notamment la Chine.

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