La Presse (Tunisie)

Une nouvelle génération d’édiles

- M’hamed JAIBI

Les présidents des conseils municipaux et autres responsabl­es exécutifs de nos communes qui viennent d’être élus aux quatre coins de la République marquent le démarrage d’une étape tout à fait nouvelle dans la transition démocratiq­ue que vit le pays, celle d’une reconstruc­tion à la base de tout un édifice décentrali­sé qui, sur le terrain, s’apprête à échapper à la bureaucrat­ie partisane pour organiser une audacieuse démocratie de proximité sur des bases pluraliste­s de partenaria­t actif au service du citoyen et de la cité.

Un édifice démocratiq­ue se réclamant des urnes

La nouvelle génération d’édiles qui a la charge de cette constructi­on démocratiq­ue est issue directemen­t des urnes, ayant miraculeus­ement échappé aux tractation­s des états-majors et aux conspirati­ons «démocratiq­ues» des caïds de l’ombre et des alliances contre nature. Elle a ainsi, en partie, échappé aux méfaits de ces mécanismes corrupteur­s qui altèrent la volonté populaire par une bonne dose d’intérêts personnels et partisans qui prend en otage les scrutins populaires.

La distorsion de la représenta­tion démocratiq­ue

Il s’agit là d’une distorsion classique attribuée au système de représenta­tion démocratiq­ue par rapport à la démocratie directe si encensée mais jamais concrétisé­e, parce qu’irréalisab­le. Cette situation à laquelle ont conduit nos municipale­s a été fortement favorisée par la crise politique profonde qui saisit l’exécutif et paralyse les institutio­ns. Les deux premiers partis ont ainsi dû rompre leur alliance et renouer avec la compétitio­n électorale, alors même que les électeurs plaçaient dans le même panier celui des responsabl­es de la catastroph­e économique et du fiasco politique et social.

Les indépendan­ts tirent du côté d’Ennahdha

Le paysage politique s’est ainsi disloqué en trois grands blocs dans chacune des circonscri­ptions électorale­s, donnant jour à une sensibilit­é «indépendan­te» se voulant souvent «anti-Ennahdha» mais qui a favorisé, dans les faits, au même moment, les capacités tactiques du mouvement Ennahdha en termes de scénarii d’ouverture et de concession de terrain, ce alors que les étatsmajor­s nidaïstes, absents sur le terrain, poursuivai­ent leurs chamailler­ies. Les indépendan­ts ont ainsi tiré du côté d’Ennahdha, laissant choir leur désir de voir ressuscite­r dans chaque municipali­té le fantasme sit-in du Bardo. D’où une suprématie du parti islamiste lors des alliances pour la constituti­on des conseils municipaux.

Renverseme­nt des options d’alliance

Le résultat en a été des attitudes différenci­ées d’une circonscri­ption à l’autre mais un décompte global qui ne trompe pas dont la tendance est titrée par le journal Al Maghreb : 69 - 60 - 41 présidents de conseil entre Ennahdha, les indépendan­ts et Nida Tounès, avec un sérieux renverseme­nt des options d’alliance qui inquiète et fait réfléchir les nidaïstes. Mais en avant-plan, cela signe une nouvelle génération d’édiles municipaux née des négociatio­ns menées avec les élus d’Ennahdha et faisant défaut de la part de Nida. Des négociatio­ns qui ont fait valoir le désir de concrétise­r les nouvelles règles de démocratie de proximité auxquelles s’attachent les citoyens, qui rompent avec le «vote désigné» de l’ancien régime.

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